mercredi 28 novembre 2007

Exposition à Sydney des oeuvres de Daniel Walbidi

Aujourd'hui, une belle exposition vient d'ouvrir ses portes à Sydney, à la Mary Place Gallery. Celle-ci est organisée par la Short St Gallery de Broome et présente des tableaux de Daniel Walbidi. Il m'est difficile de m'y rendre mais certaines oeuvres sont présentées en ligne sur leur site internet. A ne pas manquer. Le talent de ce jeune artiste déjà présenté sur le blog (ici, , ou là) est absolument fascinant à mes yeux.

SHORT ST GALLERY IN SYDNEY

in association with Warmun Arts presents
MABEL JULI
AND
DANIEL WALBIDI, featuring works by Jan Billycan

@ Mary Place gallery
12 Mary Place, Paddington, NSW

If you are unable to attend, the exhibition can be viewed online at
www.shortstgallery.com

lundi 26 novembre 2007

Ampoule profane du XVe siècle

Trouvée dans un tas de terre sur le bord d'une route il y a des années, cette sorte de petite gourde avait été oubliée dans un tiroir. A l'occasion de rangements elle revint avec ses questions.

C'était pour moi une devinette. Quel était l'origine, l'époque, le sens de cet objet ? J'avais bien une petite idée. Un sceau ou quelques souvenirs d'un pélerinage sur les chemins de Saint Jacques.

Lancer une recherche sur internet, c'était un peu comme jeter une bouteille à la mer, le sujet étant un peu spécifique et ne sachant par quel mot clef pertinent l'amorcer. Je décidais donc d'aller faire un tour sur le forum DETECTION des métaux, où quelques passionnés éclairent les néophytes. Quelques jours d'attente et deux membres m'apportèrent des précisions.

Pour "Imagine" et "Menhir", c'était une ampoule de pélerin. Nous progressions. "Agnès" confirma quelques instants plus tard cela. Cet objet très bien conservé date du XVe siècle et s'avère être une ampoule profane.

"Elles étaient utilisées pour porter sur soi un peu de sa terre ou en envoyer à l'être aimé ou à ceux que l'on voulait honorer. Ainsi, lors des mariages, on offrait aux invités, un peu de la terre de la région de l'élu(e) et sur l'ampoule figurait les armes des deux familles.
Le Musée de Cluny (dit du Moyen âge) possède quelques rares ampoules retrouvées dans la Seine au 19ème siècle. Faites de plomb et d'étain, elles sont très fragiles à la corrosion. C'est pourquoi, il est vraiment exceptionnel d'en trouver une comme la tienne".

"Bien que l'écu de France comporte en principe 3 fleurs de lys, il arrive que les armes de France se limitent à un seule. Le parti bourguignon (opposé au parti du roi de France durant la Guerre de 100 ans), avait un écu avec 1 seule fleur de lys. Celui-ci était posée sur une croix de saint André. Mais ce qui n'est pas le cas ici".

Merci à ces passionnés érudits d'avoir donné du sens à cet objet.

lundi 19 novembre 2007

Pétillance de l'esprit dans le Lonka Aborigène

Lonka Lonka.


La nacre captive le regard. Depuis longtemps elle fascine les hommes. Cet éclair de lumière est comme le regard de l'esprit, la brillance d'un rêve. Le chatoiement des reflets donne vie au motif et invite à discuter avec les vivants.

Un faiseau lumineux rasant, renforce les creux et angles de ce Lonka Lonka aborigène. Le motif prend de la hauteur, gagne en volume, se détacherait presque de son support. Certains signes sont mis en exergue, indiquant au profane comme plusieurs niveaux de lecture.

Je ne peux passer à côté de certaines ressemblances avec les peintures d'Elisabeth Marks Nakamarra, pourtant d'une tout autre région de l'Australie, bien loin de la côte de Kimberley, au coeur du désert. Comme chez l'artiste de Papunya, les échancrures géométriques introduisent des diagonales marquantes au nombre de 4 sur cette nacre. Elles convergent vers le centre et plient la figure telle une feuille de papier fragile.

Rêve d'eau. Réminiscence du déluge. Mythe fondateur du monde. L'abstraction avec laquelle est traitée cette gravure enduite d'ocre et de graisse de kangourou renforce son côté mystérieux.
L'époque de cet objet est difficile à établir. Fut-il gravé très loin de la côte ? L'influence d'un Pintupi du centre explique-t-elle les correspondances avec d'autres communautés aborigène ? Cela sera difficile à éclaircir mais reste un bel objet à la finesse indéniable.

lundi 12 novembre 2007

Cristaux ou météorites du désert blanc ?

Dans ce désert blanc d'Egypte, le contraste est fort entre les moignons immaculés de calcaire et les scories noires d'anciennes éruptions volcaniques. Le forme cristallisée est mystèrieuse. Une éruption est brutale et le refroidissement de la lave assez rapide. Ici c'est différent, les cristaux ont été forgés sur une longue durée. Avec des formats carrés agglomérés, des pointes fractales dressées en épine.

Lave capricieuse ? Météorite se cristallisant en refroidissant ? Le désert est habité par ces maigres témoignages d'un temps minéral. Nous sommes impressionnés. Les volcans sont loin en distance et dans le temps. Ces colères des entrailles se produisirent des dizaines de millions d'années avant aujourd'hui. Autant dire une éternité.

Mais reste cette question. D'où viennent ces matières assez lourdes, chargées en fer ? Quel a été le processus de formation ? Si vous avez des idées...

samedi 10 novembre 2007

L'art de la poterie au Néolithique

Au fil de différents périples au Sahara, l'oeil s'arrête durant la marche sur quelques témoignages d'une présence. Celle de l'Autruche, près de 4000 ans auparavant en Algérie. Il ne reste que les éclats blancs vestiges sans doute d'une gourde en coquille d'oeuf.

Des tessons, de multiples tessons, juste d'hier ou bien plus anciens comme ceux du Néolithique, qui débuta au Sahara vers 9500 BP. Soit bien avant la supposée migration de la culture de la "pierre polie", du Nil vers le reste de la région. Plusieurs foyers ont donné naissance à cette révolution de l'élevage soulignant la grande créativité de l'esprit humain et sa capacité à copier les meilleures pratiques.

Les motifs dessinés sur l'argile, le sont à partir de peignes en pierre avec des lignes sinueuses et parallèles, ou de bâtonnets, herbes, coquillages...
Recherche esthétique avant tout, ces dessins soulignent des ethnies disparues ou les talents d'ateliers de création spécifiques. Tant l'on retrouve des types très marqués dans certaines régions comme en Mauritanie, au Niger, ou dans certains massifs de l'Algérie.

Le fragment d'un vase au centre provient quant à lui de Libye. Il était tout seul, perdu au milieu d'un océan de pierres noires volcaniques, presque invisible. Je ne connais pas son époque. Le design de fines lignes dessinées sur le col indique une grande maîtrise de la technique de décoration, comme la volonté de conférer à cet objet une vocation au delà de sa dimension purement usuelle.

J'en profite pour mettre un lien vers une vidéo intéressante de Leptixi sur YouTube à propos d'un TP sur les céramiques.

jeudi 8 novembre 2007

La tradition orale s'évade et se réinvente dans la peinture aborigène

© Cycle Tingari de Kenny Williams Tjampitjinpa, Papunya Tula artist.
© Collection privée Brocard-Estrangin
Nous avons nos livres. Éveilleurs de nos consciences. Carburants de l'intelligence. Mais cercueils en papier de nos mémoires. Comme dans votre agenda, aussitôt marqué, aussitôt oublié. Fossoyeurs du souvenir. Certes il reste bien quelques traces d'un bon livre, quelques bons mots et expressions. Mais l'ensemble est fugace. Notre mémoire s'abîme sur tous ces supports. Pourquoi faudrait-il retenir puisque tout reste écrit ?
Les bibliothèques semblent immenses avec leurs légions d'ouvrages. Sur une vie, l'écrit nous semble donc rassurant, bien suffisant, sans limite, avec le sentiment que c'est la trace ultime que l'on pourrait laisser.

Et pourtant. Combien d'histoires ont disparu... Combien de contemporains ont oublié leurs anciens, leurs origines... Je garde en mémoire l'histoire de nos amis aborigènes d'Australie qui visitaient la grotte de Lascaux. Les fresques les fascinèrent. Elles parlaient à leurs yeux. Ils y voyaient des connections avec leurs mythes. Mais une de leur question fut terrible : "Pourquoi chez vous personne n'est capable d'expliquer ces peintures ?". Nous avions tout oublié. Les liens n'existaient plus. La mémoire avait été tuée.

Cette peinture de l'artiste Kenny Williams Tjampitjinpa reprend un thème ancien. Le cycle Tingari déjà évoqué dans d'autres posts sur le blog. Il est vieux de plusieurs millénaires et enrichi au fil du temps par la force des évènements, de façon à nourrir le rêve, à donner plus de velouté au mythe, comme une construction collective des générations sur un même noyau central.

Il n'y a pas de papier içi, d'écriture outillée d'un alphabet, mais le terrain sans limite du vocabulaire de la peinture. Il était dessiné sur le sable hier. Il est couché sur la toile aujourd'hui, et partagé avec les plus jeunes, selon le rythme ludique et unique de la tradition orale et du développement pictural des motifs.

Kenny Williams, artiste de la deuxième génération de Papunya Tula, fut un des derniers nomades avant d'être sédentarisé à l'âge de 13 ans avec ses parents. Il est ainsi l'héritier de ces intellectuels du désert ayant érigé au rang d'art leurs mythes les plus sacrés.
En 2000 Kenny Williams reçoit le prix du "Telstra National Aboriginal and Torres Strait Islander Art". Il participe également à l'exposition "Papunya Tula: Genesis and Genius" qui s'était tenue à la Sydney’s Art Gallery of New South Wales la même année.

© Kenny Williams Tjampitjinpa, 2004. With the courtesy of Papunya Tula Aboriginal Art

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mardi 6 novembre 2007

Le temps du rêve des femmes Pintupi

© Ningura Napurrula, with the courtesy of Papunya Tula Aboriginal art.
Collection privée BROCARD II.

Depuis quelques temps je cherchais à acquérir une toile de l'artiste Ningura Napurrula. Mais les oeuvres proposées en Europe atteignaient des sommets. Les galeries exagèrent un peu. Mais bon il faut bien vivre et importer une peinture d'Australie, cela comporte des risques. La perte potentielle pendant le transport. Un choix non éclairé qui sera difficile à revendre en Europe et restera en stock des années. Une avance de trésorie. Et surtout le fait que c'est un enchaînement, les galleries en France achetant aux galleries en Australie, avec des marges qui s'accumulent. Je peux comprendre cette dynamique.

Ningura bénéficie d'une attention très soutenue depuis qu'elle a réalisé un des plafonds peints du Musée du Quai Branly. Une oeuvre remarquable de plus de 200 m2 qui consacre son oeuvre en France. Sur ce sujet, un post bien documenté à découvrir sur le blog de Will Owen, une référence sur l'art aborigène (en anglais). D'autres photos également sur le site Architecture Australia.

Né en 1938, Ningura commence à peindre en 1995 dans la communauté de Papunya Tula, en aidant progressivement son mari à finaliser les toiles. Puis au fil des années elle adopta son propre style.

Elle est finaliste en 2001 du 18th Telstra Art Award, une des plus grande récompense pour l'Art Aborigène.
En 2002, elle est également sélectionnée avec différents artistes pour réaliser des timbres de 1.10 dollars.

Je comprends cette fascination et l'enthousiasme que peuvent susciter les peintures de Ningura. Elles offrent une forte résonnance spirituelle et mythologique autour des rêves des femmes de la communauté Pintupi.

Dans la peinture présentée en haut, on retrouve dans les cercles concentriques, des pics rocheux. De leur côté les cercles rouges et noirs soulignent des trous d'eau. Les lignes verticales suggèrent des tresses de cheveux qui couvrent les femmes lors des cérémonies d'initiation. Les arcs de cercle combinés invitent à embrasser du regard les dunes de sable de cette région du désert.
Deux femmes sont également présentes, symbolisées par deux U se faisant face. Il pourrait s'agir d'hommes mais le baton noir et les deux plus petits de chaque côté confirment les outils dédiés au sexe faible : le baton pour fouiller le sol, et les coolamons pour récolter les baies et racines, véritable richesse du bush Australien.

Cette grammaire visuelle reste volontairement peu accessible au néophyte. Cela doit être respecté. Ces mythes donnent une vibration assez unique à l'ensemble de la composition, très douce, atténuée par les touches multiples de points blancs offrant comme un écrin au rêve puissant d'une outstation de la communauté de Kintore.

En savoir plus :
- Papunya Tula (Wiki) & Papunya Tula community (gallerie)
- Un intéressant blog Français que je viens de découvrir : peinture aborigène d'Australie

samedi 3 novembre 2007

Inventivité du verre romain

Dans une maison d'amis en Haute Savoie se trouvait un petit meuble proche du grenier. Une vitrine en bois et marqueterie de cuivre et d'essences rares. Elle m'intriguait à chaque passage dans cette belle demeure du XVe siècle. Certes il ne restait pas beaucoup de vestiges de cette époque, la crypte et le souterrain ayant été murés. Cependant ce petit meuble recelait un trésor. Il avait été rapporté d'Egypte avant la nationalisation par Nasser.

Cette famille avait habité Alexandrie pendant de nombreuses années. Architectes, ils avaient contribué à transformer cette ville de méditerranée en véritable paradis de l'Afrique du Nord.
En visite il y a quelques mois, je voyais des photos à la Bibliotheca, témoignages de quelques immeubles érigés par eux sur les anciens tracés des voies antiques.

Je jetais à chaque visite dans cette maison un regard sur le contenu de la vitrine. Il était modeste mais intriguant pour un ado de 14 ans. Des poteries et verres romains avec de somptueux effets irisés. Cela donnait des effets incroyables à la surface du verre, ce qui reste surprenant quand on sait qu'il s'agit d'une dégénérescence de la matière.

A cette époque à Alexandrie, il suffisait de s'éloigner un peu de la ville, de regarder à ses pieds et de ramasser les nombreuses monnaies qui jonchaient le sol. Ce témoignage me faisait rêver. Aujourd'hui il n'en est rien. La ville s'est étendue. Cette maison en Savoie a été cédée. Ne restent que les souvenirs, et ces quelques flacons trouvés à différentes occasions, comme syntaxe de cette histoire. On y retrouve quelques balsamaires, bouteilles à parfum ou onguents, probalement autour du 1er siècle. Le flacon minuscule au premier plan provient de la branche familiale des parfumeurs. Il est difficile d'imaginer le contenu si précieux qu'accueillait ce témoin antique.

Tout compte fait, ces 12 bouteilles ne sont qu'un infime témoignage de la production romaine du IIe siècle. Elle pouvait atteindre les "100 millions de pièces produites pour une population de 54 millions d'habitant dans l'Empire à cette époque"*.

Quelques références :
- (*) Exposition de la Cité des Sciences en 2006 : Art et sciences : le verre dans l'Empire romain
- Histoire du verre : Wiki