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jeudi 16 octobre 2008

Meules collectives Sahariennes et scarifications du temps

Photo prise dans le Sahara Libyen, à l'entrée d'une grotte.
Akkakus - La roche aux meules, by Bertrand.

Cette plateforme rocheuse se situe à l'entrée d'une caverne du massif de l'Akkakus au Sahara. Elle résonne du chant des femmes et des cris des enfants courants entre leurs jambes. C'était il y a quelques millénaires au Néolithique. Accroupies, avec leurs récoltes de grain, ces mères nomades venaient de moudre la maigre pitance du prochain repas.

Générations après générations, de leurs mouvements répétitifs, ces femmes élancées usèrent la pierre. Chacune avait son creuset préféré où le geste devenait plus facile. Quand la chaleur se faisait trop accablante, les articulations devenaient douloureuses, elles relevaient la tête quelques temps et contemplaient le paysage de la savane aux alentours.

Il n'y avait jamais de moments de silence en cet endroit. L'air ambiant sentait la farine fraîche. Les enfants aimaient y glisser leurs doigts puis dessiner des motifs sur leur visage à l'aide de cette poudre blanche parfumée.

Certains creusets devinrent si profonds, que l'image d'une calebasse en pierre traversa l'esprit d'une vieille femme du clan. Après avoir rempli d'eau cette cavité, elle y plaça une pierre brulante, puis, deux, trois, autant que nécessaire pour assurer la cuisson d'un plat. Un nouvel usage venait de voir le jour.

Quelques millénaires plus tard, des hommes identifièrent en ce lieu un espace de vie des grands anciens. Ils grattèrent à leur tour la pierre pour emporter un morceau de mémoire, élaborer quelques gri-gri à partir de la poudre de pierre du lieu. Tout autour, cet espace garde les signes d'une présence, révèle des éclats de silex taillés et montre dans sa roche les scarifications du temps.

jeudi 7 février 2008

Néolithique : meunier tu dors, ton moulin, ton moulin va trop vite ?

© Collection privée BROCARD II.

"Meunier tu dors, ton moulin, ton moulin va trop vite..." Je me souviens de cette comptine chantée dans nos tendres années. La farine se faisait toute seule, sans effort, sous l'effet conjugué du vent et de la force démultipliée des multiples engrenages. Quel niveau technique nous avions atteint pour remplacer l'huile de coude par une brillante mécanique. C'était juste il y a un siècle ou deux. Autant dire hier.

Quelques millénaires plus tôt, un homme travaillait des grains sur cette meule de pierre, avec modestie, en petite quantité. Il destinait le fruit de son travail à sa famille ou petite communauté. Accroupi, écrasant avec force le blé ou l'orge sur la pierre, cette tâche devait être bien pénible. Les squelettes des hommes de cette époque portent les traces de cet effort. Les os ont été altérés, les cartilages profondément abîmés, suscitant l'intérêt des ostéo-archéologues.

Je trouvais cette petite molette il y a de nombreuses années sur les routes d'un trek en Libye. Nous étions en plein Sahara, au sein du massif de l'Akakus. Le groupe avançait dans le creux de la vallée pendant que je sillonnais les crêtes. Des hommes durent s'installer quelques instants en ce lieu stratégique. Des restes de taille de silex, quelques meules ou molettes étaient encore posées dans les interstices de la roche.

La meule quant à elle provient d'une ancienne collection européenne et atteste d'une origine Mauritanienne. Chacun de ces deux objets, le geste patient et laborieux de nos anciens se rencontrent et se combinent sur cet objet ovale tant caractéristique de l'âge de la pierre.

On attribue souvent la naissance de la farine à la sédentarisation des hommes, à cette transition entre la dynamique perpétuelle du nomadisme et l'établissement des premiers villages et cités autour de 7000 av. J.C. Cependant, l'homme commença bien plus tôt à collecter des grains dans la savane et à les goûter les jours de disette.
Ils découvrirent très vite qu'une pâte se forme en bouche comme un chewing-gum si vous les machouillez. L'idée d'une bouillie ou d'une pâte à cuire n'était plus très loin. L'intérêt de réduire ces semences en farine à une échelle plus importante devenait accessible.
Les meules pourraient ainsi être bien plus anciennes, autour de 11500 ans avant nos jours.

La meule néolithique engendra de multiples descendants. L'histoire des moulins pouvait commencer. Les moulins à bras s'avéraient exigeant pour chacun. Les moulins à sang furent tirés par des bêtes ou des hommes encore assez récemment en Afrique ou au Moyen-Orient. L'époque romaine inventa avec succès les moulins à eau. Les moulins à vent vinrent ensuite et restent immortalisés dans notre imaginaire par Don Quichotte.

"Meunier tu dors, ton moulin, ton moulin va trop vite..."

A parcourir :

mercredi 9 janvier 2008

Les oeuvres d'art préhistoriques des peuples nomades du Sahara

Dans cette grotte du Sahara, cet homme rouge vous accueille depuis plus de 6000 ans. Il est également une invitation à découvrir d'autres peintures rupestres photographiées en Libye il y a quelques années, sur un parcours de plus de 140 km. Sont-elles répertoriées ? Ont-elles donné lieu à des études plus approfondies ? Difficile de le savoir. Visite en couleur chez un peuple de pasteurs.

Les yeux sont absents, les paumes ouvertes, le mouvement des bras évoque les pattes d'une grenouille. La disposition des genoux suggère une vue de dos. Blanc, jaune, ocre, ce trio de couleurs offre une certaine présence à ce chaman, invoquant peut-être les esprits.

Autre époque, autre style. La grande finesse d'exécution de ces bovins dans leurs robes rouge et blanche renforce le mouvement d'ondulation du pas du troupeau.

Quelques moisissures grignotent du terrain sur ces peintures d'une autre race de bovidés. Les cornes sont élancées comme les ailes d'un aigle. L'artiste affine le trait. On peut distinguer les chairs du cou, l'effet galbé des pattes, le mouvement d'une oreille...


Immenses corps allongés. Juste un bras en guise d'au revoir. L'autre semble replié derrière une toge stylisée en forme de vague ocre. Il y a une dimension hiératique, un port altier, une figure fière. La peau semble blanche au coeur de cette Afrique. Nous sommes des millénaires en arrière. C'est étrange. Troublant. Comme un peuple perdu, oublié, ils vous saluent au passage.

Les formes rondes ont cédé la place à des effets géométriques plus marqués. Les lignes du corps sont habiles sur l'animal de gauche. Le train arrière plus petit donne comme un effet de perspective bien longtemps avant notre Moyen-Age.

Les teintes blanches s'effacent et laissent progressivement la place à la pierre. Elles témoignent encore du talent de cet artiste anonyme. Il a joué avec la matière et une seule couleur, invitant la teinte du fond à dessiner les tâches de la robe.

Simplicité extrême des formes. Ces hommes sans bras, aux jambes démesurées, expriment comme la prédominance de la marche, mouvement essentiel pour un peuple nomade. C'est minimaliste et porteur du message d'itinérance.


J'admire le mouvement des cornes de gauche. Une parenthèse sur un autre monde oublié. Un clin d'oeil blanc subtil à l'autre bovidé de droite.


Dans la transparence de la peau de l'animal de gauche on devine les angles dessinés par les hanches et un travail de perspective au niveau du pis . La tête est minuscule, comme les pattes. Seul le corps semble mis en avant, comme une valeur porteuse, comme un élément nourricié intéressant, à l'image des oeuvres aux rayons X de nos cousins d'Australie.

Vétues de robes, la croupe bien arrondie, un sorte de châle autour du cou, armées de leurs calebasses, ces femmes tiennent un concert. On entend une musique d'avant l'écriture, balancée par un rythme entraînant. Un maître de cérémonie sur la droite, est coiffé d'un masque avec quelques plumes d'autruche. La forme devant lui, mystérieuse apparait comme de même facture. On y devine un corps allongé, le corps distendu, un ventre important. S'agirait-il d'un accouchement ?

Le niveau atteint par cette oeuvre est tout à fait remarquable. Il n'y a plus rien de primitif. Les formes sont d'une extrême finesse. Observez l'ourlet dessiné par la queue.

Un animal allongé sur la gauche, d'autres en mouvement ou simplement posés comme en surimposition, les effets s'ajoutent, les époques se confondent, comme dans un élan créatif incontrôlable. Au milieu du beuglement des bovins deux hommes marchent d'un pas alerte mais curieusement regardent an arrière, dans un effet de contradiction surprenant.

Gravures, peintures, pochage, la couleur ocre domine. Les troupeaux furent nombreux à cet endroit. Cet Akkakus Libyen dut être une zone réputée de pâturage. Je reste surpris à nouveau par les figures géométriques qui habillent le ventre de l'animal central. Figures cabalistiques, itinéraire d'un peuple, marque de propriété, traits de coupe sacrés de la viande... Le mystère persiste.

Le maître et son plus fidèle allié, le chien, cela dure depuis plus de 17 000 ans. L'homme ici est sans doute beaucoup plus jeune. A peine a-t-il quelques milliers d'années, autour du temps du Néolithique. Le mouvement est ample, aérien, on imagine qu'il interpelle un troupeau imaginaire armé de son bâton. Il semble vêtue d'une simple tunique à l'image des égyptiens des années plus tard. Son visage, sa tête est absente, seul le corps nous parle.

La figure centrale me fait penser à des représentations d'autres tassilis, présentées par l'explorateur et archéologue Henri Lhote : les têtes rondes. Une dimension plus cérébrale, presque spirituelle se construit dans cette large boite crânienne.

Cette girafe blanche joue avec la teinte bleue de la pierre et semble ainsi traverser une rivière, ses pattes à demi estompées par l'onde froide.

Absence de perspective dans ce petit bouquetin. La corne des sabots n'a volontairement pas été peinte en rouge. Cerclée d'un fin liseret ocre elle adopte la couleur brute de la pierre.
Cet animal devait être vénérable tant son buste a été relevé par une toison blanche abondante, partant de la tête, et soulignant les lignes du corps jusqu'à l'arrière train.


Quel mouvement. Nous sommes des observateurs privilégiés de cette chasse aux bouquetins et autres félins. Les jambes de l'homme sont graciles comme à peine perceptibles dans le feu de la course.

Les girafes sont aujourd'hui si loin de ce désert, à des milliers de kilomètres. Celle-ci est restée sur cette paroi, seule, unique dans sa robe tâchée de fine billes orangées. Le jeu croisé de ses pattes imprime comme un mouvement à la figure. Une sorte de dynamique éternelle et gracieuse.

Fin de la série sur ce périple en Libye. Ce fut un des plus beaux parcours au Sahara. Un voyage exigeant avec 8 heures de marche. L'occasion de vivre et rencontrer le pays comme les nomades et pasteurs d'hier.

Le saviez-vous ? En cliquant sur les photos, dans chaque nouvelle du blog, vous avez la possibilité de les agrandir, et d'y observer plus de détails.