mardi 30 octobre 2007

Ils achètent avec des anneaux de nacre

Collection privée BROCARD II.

Traversons les océans, quittons les galets du Mali pour "l'or blanc" des monnaies de nacre de Papouasie Nouvelle Guinée. Objets de prestige, ces anneaux permettaient des échanges importants et soulignaient le pouvoir de leur porteur.

L'aura conférée par ces cercles tire sa source des bénitiers géants (tridacna gigas) que l'on trouve dans les mers chaudes tout autour des terres. Immenses, considérables, ils sont difficiles à exploiter. Ainsi l'homme s'attaque souvent aux vestiges en nacre fossile présents dans les fonds marins.

La figure du centre est assez remarquable par sa taille avec un diamètre de plus de 25 cm. Les plus petites comportent des entailles sur les côtés comme autant de signes de la valeur monétaire.

Pour négocier avec ces peuples "premiers", l'homme dit "moderne", grima la nacre avec de faux anneaux en porcelaine. Une façon habile d'inventer de la monnaie pour s'approprier d'autres richesses.

Quelques liens :
Objets de pouvoir en Nouvelle Guinée de l'excellent blog Détours des Mondes
En savoir plus sur le Tridacna Gigas

lundi 29 octobre 2007

Du petit galet à la monnaie

© Collection privée Brocard-Estrangin
La couleur blonde de la terre ocre du Mali a recouvert durablement ces petits galets en quartz. Leur origine reste assez mystérieuse. Certains archélogues y voient des monnaies protohistoriques, d'autres des objets d'échanges au XIIIe siècle, tant certains exemplaires ont été retrouvés dans des tombes de cette époque.

Aux frontières du Sahara, un peu plus haut vers la Mauritanie certains exemplaires ont été trouvés dans la région de Tichitt, mais à la différence de ceux en photo ils restaient à l'état brut sans ajustements.

Dans la haute vallée de Tilemsi par contre, certains exemplaires plus travaillés, ressemblent assez aux exemplaires présentés ci-dessus, avec des formes arrondies et habilement perçés avec un poinçon en roche dure, qui forme au coeur deux cônes inversés.

J'en utilise certains, enfilés sur un petit cable en métal pour soutenir d'un fil quelques tableaux. Cela étonne, surprend. Certains y voient un collier de figue ou d'abricots séchés. Et ces monnaies reprennent vie dans ces images d'un instant.

Observez avec attention la photo. En son centre se trouve une étonnante pierre noire toute polie et également perçée largement en son centre. Un nomade très pauvre, croisé sur une piste très peu fréquentée au Niger, hormis par la rébellion, me la proposa. Je n'hésitais pas un instant. Il n'avait presque rien, son petit enfant était malade. Et pourtant il nous offrit ensuite du fromage préparé avec ses quelques chèvres.

dimanche 28 octobre 2007

Bronze : Bianca la vieille lionne blessée

« La vieille lionne avait mené de nombreuses chasses, subi quelques famines, élevé plusieurs portées et surtout souffert des nombreuses guerres de clans. Maintenant elle se méfiait de tout et de tous...» Tel est le descriptif de cette oeuvre du sculpteur animalier Vassil.

Cette pièce en bronze me marqua tout de suite. Tel le visage buriné d'une vielle femme d'un autre désert, cette lionne avait vécu. Sa tête exprime toute une présence et l'histoire des cicatrices portées sur ses joues. C'est une oeuvre pleine de force, de caractère dont il ne restait plus d'exemplaires. L'artiste accepta de céder une de ses créations (EA II/IV).

Il y a en fait dans ce bronze bien plus qu'une simple représentation animalière, une véritable liberté d'expression, un message bien au delà de la lionne, comme une discussion profonde avec celui qui la regarde.


Quelques références :
"VASSIL est un sculpteur animalier passionné. Il progresse avec des oeuvres de plus en plus importantes et des groupes d'animaux en mouvement (lions, guépards, ours, loups, sangliers...) Dans la lignée de Barye, mais en moins classique, VASSIL apporte une touche personnelle originale dans l'art animalier. Ses ciselures et ses patines, réalisées chez Chapon sont souvent d'une grande finesse. On ressent devant ses sculptures très expressionnistes une émotion profonde. Elles nous renvoient à la fragilité de notre propre existence. On sent passer dans chaque oeuvre le mouvement, la puissance et la vitalité animale. Ceux-ci ne sont pas traités comme des objets anonymes mais comme des sujets ayant chacun leur propre personnalité." Pierre Antoine de Saint Prancher (ARTS ACTUALITES MAGAZINE – mars 2002)

Authentic'art : "En 2006, le sculpteur animalier Vassil a crée une sculpture monumentale en bronze de 4 m de long. Il s'agit d'un combat de deux cerfs en mouvement grandeur nature. Cette pièce intitulée " le choc " témoigne de mouvements pleins de vitalité dont Vassil a le secret. Les deux cerfs ont été inaugurés le 21 octobre 2006 à 11h30, dans la commune de Montereau-Fault-Yonne en Seine-et-Marne. C'est le point de départ d'un projet avec une série de plusieurs monuments qui devraient rendre hommage aux espèces animales disparues de la région".

mercredi 24 octobre 2007

A la recherche de l'esthétisme chez les pasteurs Peuls

Dans les rues d'Agadez se croisent de nombreuses cultures. Cette ville est un véritable carrefour aux frontières du désert. Touaregs, Peuls ils sont nombreux à rejoindre cette Cité. Sécheresses et conflits les conduisent vers ces agglomérations, les invitent à abandonner les mers de sable, le nomadisme millénaire, le sentiment irremplaçable de la Liberté.

Sur les pas des maisons, aux carrefours, chacun offre quelques merveilles aux clients de passage. Silex taillés par les anciens. Bijoux en argent ou autres mélanges apparentés. Etoffes brodées.

Chez les Peuls, le sens de l'esthétisme est presque poussé à son paroxysme, tant chez les hommes que les femmes, avec un art de la séduction très développé. On peut d'ailleurs s'interroger sur l'origine de cette sensibilité en comparaison d'autres peuples nomades où celle-ci est bien moins affirmée.

A y regarder de plus près, durant des millénaires, ces peuples ont accompagné les troupeaux de buffles africains et furent marqués par la forme parfaite des cornes. Ils organisèrent ensuite la sélection des plus beaux spécimens. Sous le soleil, à contempler le troupeau durant les journées, ces sinuosités marquantes ont curieusement influencé la pensée et la culture de ces Peuls BoroBoro. Courbes des bois, courbes des corps, dessins subtiles des yeux, peintures de la peau, étoffes brodées... les animaux fétiches ont changé, nourri leurs codes esthétiques, durablement.

L'envergure des parures, déjà marquante aujourd'hui reste sans comparaison avec les buffles à la frontière du Néolithique. A cette époque une race noble s'éteignait dans ce que l'on appelle la période Bubaline. Les plus belles bêtes offraient des cornes de plus de 3m, s'envolant dans les airs. L'homme fut tout de suite séduit et grava dans la pierre la mémoire de ces rencontres et des cultes associés. Héritiers des grands pasteurs du désert, les Peuls d'aujourd'hui restent les témoins de ces époques, et ont érigé au rand d'art visuel les rites de maquillage et les danses complexes associées.

Magnifique photo venant du site KEL12.
Dans cette étoffe teintée d'un bleu profond indigo ci-dessus, on retrouve dans les motifs fins brodés, l'évocation des cornes par les jeux des croisillons, la trace des vaches dans la forme des sabots suggérés. L'animal est absent. C'est abstrait. Vibrant. Connecté à d'autres peuples nomades presque comme dans un langage universel.

dimanche 21 octobre 2007

Création d'un vitrail


Cette oeuvre fut réalisée il y a 6 ans par Stéphane, jeune artisan vitrailliste et inventeur du portail du vitrail aujourd'hui. C'était une commande personnelle pour orner une fenêtre sous le toît, au milieu d'un salon parisien.

Chaque soir, les rayons du soleil couchant transpersaient l'ensemble de la composition. Un mélange subtile de couleurs de la même famille avec cette pointe rouge comme un coeur sur le côté. Je me souviens de ses recherches créatives. Des cartons avec les premières ébauches. Des propositions de couleurs, des échantillons de verre. De cette volonté de casser les frontières du plomb, comme ces maillages de réseaux dont je m'occupais à l'époque. Je fus surpris, troublé, puis séduit par cette oeuvre.


Le verre utilisé est dit "antique", avec ses bulles d'air. Il est travaillé comme celui des cathédrales. Un manchon, coupé en deux puis étallé sur une plaque et ensuite concassé pour donner de beaux morceaux pour composer un autre vitrail. C'est assez fascinant cette capacité à créer une oeuvre sur un seul plan à partir d'une forme ronde, soufflée par le maître verrier.

Plus d'info : Info vitrail

lundi 8 octobre 2007

Des clochettes en bronze


Je suivais une voie romaine depuis quelques temps. Enfin son ancien itinéraire. Elle était plutôt en fait 5 mètres sous terre. Puis je pris sur la droite, à travers champ. Le chemin en terre montait tout droit vers la partie haute du village, un ancien château aujourd'hui totalement invisible.

Dans le champ d'à côté j'avais déjà trouvé plusieurs romaines disparates. Ce jour là le champ était cultivé. Je décidais dés lors de taquiner la terre dure de ce lieu de passage. Cela sonne un peu. Quelques déchets. Une romaine à même le sol probablement déposée par la roue terreuse d'un camion. Cela s'annonçait quand même pas trop mal.

Coup sur coup, je tombe sur des sons bien marqués. Je creuse et à quelques mètres de distance deux belles clochettes en bronze apparaissent. J'ignore par contre leur époque ?

dimanche 7 octobre 2007

Récolter la crème du lait : cuillère de bois


Il y a 15 ans je rentrais dans un magasin de l'Ile de la Cité, attiré par un magnifique rabot gravé en forme de dauphin. Il datait des années 1750. C'était un magnifique travail pour les tonneliers. Le marchand me fit l'article. Mais le prix était vraiment au delà de mes moyens. Son magasin magnifique juste à l'angle de l'Ile, dans une des maisons de la famille Joxe, ancien ministre de François Mitterand, réservait d'autres surprises : des cruches, des verreries fines du XVIIIe siècle, et cette petite cuillère en bois sur la droite de la photo.

Sa forme courbe permet de la saisir facilement en main. Les anciens l'utilisaient pour récolter la crême du lait. Délices d'autre époque. Où nous pouvions en tartiner nos pains pour le goûter, avant ce carnaval de produits tous aseptisés.

La patine du bois est étonnante, fine, presque transparente comme l'albumine du lait déposé pendant toutes les années d'usage.

Je trouvais l'autre cuillère à gauche dans une vallée des Alpes. On observe encore les traces du couteau. Le manche est joliment ourlé. Le grain du bois blond est si fin qu'aucune aspérité n'est décelable au toucher. On imagine volontiers le geste des fermières et le soin apporté à cet objet récoltant la crème de la crème.

mercredi 3 octobre 2007

Naissance de l'art : par l'outil de pierre

De quand date la naissance de l'art ? C'était un peu la question clef d'un article du journal Le Monde il y a deux ou trois ans. Le journaliste évoquait cette pierre taillée posée au fond d'une tombe. Il y a en avait plusieurs. Des petites, grandes, polies, ou aux arêtes bien vives.

Mais cette pierre là était bien différente. Elle était posée sur le corps et offrait en son centre, comme cerclée par le travail du tailleur une inclusion naturelle. Cela ne pouvait être un hasard. Ce motif était centré avec de réelles qualités esthétiques. Il y avait clairement recherche, sensibilité aux prémices de cette humanité découvrant l'au-delà après la mort.

Le journaliste y voyait, comme les archéologues d'aileurs, la naissance de l'art. L'hypothése était audacieuse et ne manquait pas de me séduire.

Aussi quand je tombais sur cette pierre taillée, probalement une silexite, il y a quelques mois au Niger, je ne pus m'empêcher de penser à ces premiers artistes.

Le mouvement des lignes rouges, comme des larmes de sang donne un effet presque vivant à cet objet. Volontiers on se laisse imaginer les ouvriers s'en armant à la fin du paléolithique.

Le tailleur est-il resté indifférent lors de son travail ? A-t-il pu ignorer, sans jouer avec les mouvements impulsés sur cette surface ? En tous les cas un beau clin d'oeil à travers le temps que je voulais partager avec vous.

mardi 2 octobre 2007

Art aborigène : vibration de l'eau

Site de Tjukurla par Josephine Napurrula, with courtesy of Papunya Tula artist ©.
© Collection privée Brocard-Estrangin


Que suggère cette peinture aborigène ? Une vue spatiale des dunes de sable ? L'écoulement subtile de l'eau ? L'ondulation du chemin du serpent ? Ou bien simplement le lit d'un fleuve évanouit ? Josephine Napurrula (1948), artiste de Papunya, reste un peu énigmatique sur son travail et évoque le design associé au site de Tjukurla. C'est vaste et mystérieux mais se conjugue sans doute avec les autres significations évoquées plus hauts.
Le centre de la peinture évoque selon la symbolique aborigène un parcours initiatique ponctué d'étapes autour de sources et trous d'eau. Une marche chantée autour de la région de Kintore.

L'ensemble est riche en vibrations visuelles ce qui renforce le caractère sacré de cette oeuvre originale.

© Josephine Napurrula, with the courtesy of Papunya Tula