jeudi 23 avril 2009

"Show your colours" à Utrecht : une expo à découvrir !

Julie Dowling, Gin, 2005, 91x71 cm, acrylic on linen,
Courtesy of Seippel Galerie Cologne Johannesburg
in cooperation with Brigitte Braun Gallery Melbourne / private collection.


L'exposition "Show your colours" aborde l'art aborigène d'une façon atypique et originale. Cela n'étonne guère de la part de l'AAMU, musée aborigène novateur, tant il n'hésite pas à susciter un dialogue fertile et improbable entre art contemporain et art aborigène.

Mais ici rien de tout cela. L'art occidental a été laissé de côté un instant. Comme ces questions incontournables sur la façon d'embrasser l'art aborigène. D'appréhender les différents mouvements artistiques qui le compose. De suivre les élans de leur créativité sur les 30 dernières années...

Le conservateur Georges Petitjean a choisi cette fois-ci une façon plus audacieuse de nous inviter au Musée. "Dévoiler vos couleurs !" Un approche novatrice, visuelle, facile à appréhender par tout un chacun. Ce fil rouge nous guide au cœur des communautés aborigènes, de leur fécondité artistique, vers des créations guère imaginables il y a presque 40 ans.

Il s'agit presque d'un clin d'oeil comme si nous passions de l'âge du noir et blanc aborigène (complété par le jaune et rouge) à un monde nouveau à la palette variée. Cela revient à une sorte de transition, de rupture comme le fut l'irruption de la couleur dans le 7e art ou en photographie.

Plus de 80 toiles sont exposées, des avant-gardistes présentés comme des "early colors" autour des communautés de Papunya Tula, Yuendumu, Utopia, Balgo... aux "late colors" avec les groupes de Bidyadanga déjà présenté ici ou sur le blog, d'Irrunytju, ou de Patjarr...

La couleur souriante et vibrante sur certaines toiles ne doit pas nous faire oublier qu'elles ne symbolisent pas toujours la joie ou l'enthousiasme. Dans l'art aborigène, certaines teintes sont sacrées ou représentent des périodes très douloureuses, comme le sang versé par ce peuple noir au fil de son histoire.

La couleur chez les aborigènes invite également à voir l'invisible, à décliner les palettes du sous-sol, à appréhender plusieurs dimensions. Dans ces compositions complexes, profondes se révèlent ainsi différents niveaux de lecture, cependant uniquement accessibles aux initiés.
Sur ces tableaux, la couleur attire, surprend, permet des compositions de plus en plus audacieuses, et suggère dans l'abstraction des formes plus anciennes.

C'est avec enthousiasme que je suis revenu du vernissage jeudi dernier dans la nuit, avec des images marquantes en tête. Il y a de la pétillance dans cet art aborigène, une dynamique de renouvellement, une invitation à la rupture, à la naissance d'artistes et d'individualités brillantes.

"Show your colours" est la plus grande exposition d'art aborigène actuellement visible en Europe, avec des œuvres d'artistes aujourd'hui disparus comme Emily Kame Kngwarreye, aux toiles de la jeune génération.

A ne pas manquer, d'autant que la ville d'Utrecht mérite également le détour !

"Show your colours" Recent art from Aboriginal Australia AAMU Museum for Contemporary Aboriginal art - Utrecht From April 23 through September 27, 2009

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Cela donne envie d'aller y faire tour. Merci pour l'info.
BET

Bertrand a dit…

Bonjour,

Vous ne serez pas déçu. L'expo vaut le détour. Utrecht également. Ancienne ville romaine aux frontières de l'Empire, elle est magnifique avec ses canaux animés par de multiples restaurants et magasins.
Merci pour votre visite sur le blog.
Bertrand

Détails a dit…

Je ne connais pas la ville non plus. Peut être un jour!
Concernant ces couleurs, on se rend compte à travers la lecture de ton article que les mêmes couleurs n'ont pas toujours les mêmes significations chez les peuples. Très intéressante approche vers cet art, peut être que la compréhension des couleurs c'est un moyen plus "tangible" de comprendre cet art?

Bertrand a dit…

Bonjour Sipane,

Bien d'accord, la couleur me semble une porte d'entrée, une ouverture accessible à tous, un peu comme un guide sensible, palpable vers un art plus spirituel, plus intangible...

Merci pour ta visite. A bientôt,
Bertrand

Lyliana a dit…

Il y a un petit livre d'Anthony Forge, "La peinture, substance magique" très instructif pour comprendre à quel point la couleur peut avoir une autre signification qu'en Occident, à quel point elle est importante par rapport à la présence de l'ancestralité puisque qu'elle est garante de l'efficacité de l'oeuvre. Cela se passe chez les Abelam (Papouasie Nouvelle-Guinée).
En Australie, avec les raark, je crois que c'est un peu du même ordre. Et cet arrière plan qui n'a rien de l'ordre du décoratif honore probablement la femme du premier plan.
Au premier regard le tableau m'a "choquée"; et cet grâce à ce jeu labyrinthique de couleurs que j'en suis venu à voir la femme autrement, à la faire surgir.

Bertrand a dit…

Bonjour Lyliana,

Merci pour ta visite.
Ah intéressant, je vais rechercher ce livre.
J'ai été également assez peu ébloui par ces peintures de Julie Dowling. Ces portraits ainsi sur un fond en contraste me déconcertent.

Mais finalement mon regard apprend à les apprivoiser.
J'aime assez cette idée d'écrin pour le portrait.

Il y a également une certaine force dans cette peinture. Un peu comme un trait d'union, un témoignage, révélant tous ces visages qui se cachent dans ces toiles aborigènes le plus souvent abstraites.

Y figure une sorte de visage idéalisé, impersonnel, messager d'un peuple...

Etrange rupture.

Bien amicalement,
Bertrand