jeudi 28 décembre 2006

Jeux de pyramides

Déambulation dans les rues du Caire il y a quelques mois. A la recherche de quelques facades remarquables de la belle époque. Où le Caire invitait les plus grands architectes. Ils rivalisaient d'inventions. Et de concours en concours, d'immeubles en hôtels particuliers grandioses donnaient à la ville un nouvel écrin.

Nous sommes à deux pas de la pension Roma. Petit hôtel familial niché au 4 ème étage d'un immeuble sans âge. Les parquets y sentent bon l'encaustique. Les chambres y réveillent mes souvenirs d'enfance. Ces vieilles maisons d'un autre temps, aux mobiliers désuets, au point d'eau masqué d'un paravent. On s'y sent bien. L'ascenseur traversent ces étages de géant. Nous voilà plus bas dans le tohu bohu d'une ville de près de 18 millions d'habitants.

Jeux des couleurs d'une devanture de magasin. Quelques hésitations. Cadrage. Une passante passe. L'image est dans la boite.

Trois pyramides plaisantent en ville. Une jaune. Deux demi-rouges inversées. Le croisé des jambes noires. La ville moderne tisse sa toile vers le plateau de Gizeh.
La démarche volontaire de la passante. Saisie dans l'instant. De profil. Les mains posées. Un hiéroglyphe bien involontaire mimé en pleine rue. Clin d'oeil fruit du hasard. Passerelle entre deux mondes qui ne se reconnaissent pas. L'antique et le contemporain. Etranger l'un l'autre. Comme une autre histoire mais pas celle des Egyptiens d'aujourd'hui. Et pourtant un peintre du dimanche ose la chute et les correspondances !

mardi 26 décembre 2006

Une pierre comme sésame

Désert blanc l'hiver dernier. Cinq jours de marche. Vallée des champignons. Nous sommes au milieu du jour. Chacun recherche un peu d'ombre. C'est la sieste. L'endroit est magique, comme habité. Une invitation à découvrir le lieu. A rechercher quelques témoignages.

Nous passons deux heures à scruter les rides du sol, les pierres jonchées sur la surface. Du blanc immaculé des concrétions calcaires, au sable blond, les alternances picturales du sol sont pénétrantes.

La chaleur est accablante. Au loin, une pierre ronde se distingue et attire le regard. Une meule portative au grain si fin, patinée par un usage prolongé. Une présence s'affirme. L'endroit devient moins minéral, presque plus familié. L'objet révèle une présence. Jongle avec les sensations. Devient sésame pour traverser les siècles. Et comme un maillon vers d'autres témoins.
A quelques pas, apparait un magnifique couteau en silex taillé, jouant avec les veines de la pierre, sans hasard, dans une recherche presque artistique. Ce sont les seuls objets encore visibles. Au moment de rebrousser chemin, dans une matière noire, proche de l'obsidienne, une grande hache en silex taillé se détache du sable doré. Rien de polie pour l'instant. Nous sommes sans doute un peu avant le néolithique sur un lieu de campement provisoire.

L'homme a bien probalement commençé à moudre les grains collectés des années avant toute sédentarisation, il y a plus de 10 000 ans et les meules si petites permettaient d'apporter un complément alimentaire bien précieux aux nomades des lieux.

mercredi 20 décembre 2006

Vibration de l'éphémère

Alexandrie. L'histoire de la cité appartient au sol. Il y garde jalousement ses secrets intimes. Plus haut en surface, les murs s'amusent à répondre en écho aux civilisations passées. Les facades s'y abiment sans se soustraire au temps.


Quartier du souk aux légumes. Une paroi lumineuse, jouant de ses teintes annonce la mue biologique d'une cité réinventée, par couches successives, qui s'efface, apparaît, témoigne des lustres d'hier et de la palette colorée de demain.


Un tableau presque abstrait, fruit du hasard, conjuguant harmonie, fragilité, altérité des formes et matières. Bref une découverte au détour d'une rue, sans protection, magnifié, saisie d'un clic et si poétiquement éphémère.


lundi 18 décembre 2006

Alexandrie : un ventilateur des années 20

Un aprés-midi à la recherche des splendeurs passées de la ville d'Alexandrie, riche cité occidentale au début du XXe siècle, véritable Genève du proche orient. Les bibelots des

anciennes villas se retrouvent souvent dans le quartier des brocanteurs : vases Gallé, lustres vénitiens, argenterie anglaise, meubles anciens, souvent plus dorés les uns que les autres...
Certains magasins sont aussi bien rangés que des vitrines européennes. D'autres regorgent d'un fatras impossible. Au détour d'une rue, une petite échoppe bien agencée. Nous avançons et un ventilateur magnifique attire mon regard. Une hélice en laiton de grande taille. Un moteur en état de marche, converti au 220 volts. Démonstration à l'appui, il tourne en silence. Je ne peux m'empêcher de demander le prix. Nous discutons. Le poids est un problème pour l'avion. Presque 10 kilos. Alors que déjà après quelques emplettes au Caire je ramène des livres reliés, quelques tissus, épices, savons d'Alep, boite de thé et aquarelles magnifiques de ma soeur Marine.



La compagnie de charter risque de refuser le paquetage. Nous quittons le magasin le prix ne baissant pas en dépit de discussions animées en arabe. Quelques tours dans le quartier. Retour devant le magasin. Dernière tentative. Le vendeur ne baisse que d'un iota. Nous partons à nouveau pour ne plus revenir. Le boss du magasin remplace le vendeur, nous rattrape dans la rue et accepte notre prix. L'affaire est dans le sac. Le retour sera plus difficile en avion avec 2 bagages pour un total de 40 kilos !
Mais quel objet dans un salon. Entre art nouveau et art déco, des années 20, de la marque Singer, uniquement réalisé aux US pour l'exportation en particulier en Europe ou en Afrique du Nord. Sans doute relativement rare et en fort bon état. Ah temps qui passe.

Le quai Branly : la grotte aux écorces

Le musée du Quai Branly vient juste d'ouvrir ses portes. La file d'attente est immense. Nous arrivons à 21h au même moment que le début du match de foot espérant que la France entière serait devant son poste. Mauvaise analyse, 3 heures sont nécessaires pour passer l'entrée.
Changement d'approche. Munis du pass de l'association des Amis du Musée, nous passons par l'entrée administrative rue de l'université. Cartes d'identités laissées à l'accueil, décorés d'un badge presse nous rentrons à 21h15 par la petite porte.




J'attendais avec impatience la découverte des collections d'art aborigène. La grotte aux écorces du peintre Karel Kupka. Les oeuvres du désert central ou des territoires du Nord, de Gloria ou Kathleen Petyarre, de David Ross Pwerle, de Rover Thomas...

Le moment le plus propice pour s'imprégner de l'atmosphère des peintures ? Les quelques minutes avant la fermeture, seul dans les salles du fond, pour capter l'ambiance et l'harmonie de cette spiritualité qui chante la nature. L'occasion d'amorcer un dialogue avec quelques tableaux et artistes également à la maison.

Ils sortirent de l'eau

Comme les premiers batraciens sortant de la soupe primitive, voilà qu'Alexandrie nous livre des pièces uniques, jamais vues depuis presque 20 siècles, protégées dans ses entrailles maritimes.
L'écrin du Grand Palais donne une résonance magnifique à l'exposition. La verrière s'invite et joue le rôle de l'eau de surface dans la baie d'Alexandrie. Les éclats de lumière renforcent le volume et nuances des pièces exposées. Un must : s'y rendre à la tombée du jour. Elle est ouverte le soir jusqu'à 21h. Le travail de la pierre, les effets de transparence des statues n'y sont que plus saisissants.

Félicitations aux organisateurs de l'exposition "Trésors engloutis d'Egypte". Bravo à Yvan pour les clichés. Plus de 1000 pièces archéologiques à découvrir grâce à l'équipe de Frank Goddio.


Rencontre avec un objet

Pas bien vieux, nous apprenions des poésies sur les bancs des écoliers. Sans m'en rendre compte alors, une d'elle m'accompagnera de nombreuses années. Mémorisée, scénarisée par l'institutrice, je l'utilisais chaque année avec emphase et succès : "Milly ou la terre natale". Elle m'ouvrait les portes du monde des objets. Une résonance tout d'abord lointaine. Juste perçue.
L'an 1624. La découverte d'un Louis XIII dans le sol de la forêt de Fontainebleau provoqua un déclic. Conscience de son ancienneté. Sans doute l'objet le plus ancien que je pouvais alors appréhender et garder précieusement. J'avais tellement peur de le perdre à vélo, que je le glisse sous la langue pour ne point l'égarer lors du retour à la maison.

L'héritage de ma grand-mère paternelle donna une autre amplitude. L'occasion de croiser une multitude d'objets en lien étroit avec les anciens de la famille. Tel cadeau patiné, comme cet encrier en olivier, reçu par mon arrière-arrière grand mère en 1880. Imaginer le geste de l'écrivain. Reproduire cette dynamique, effleurer l'objet et se laisser imprégner par l'idée de tendre la main à travers l'histoire.

L'attrait et la poésie des objets était en marche soutenue par cet écho du poême de Lamartine : "Objets inanimés, avez-vous donc une âmeQui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?...".