vendredi 28 août 2009

Sous le regard des dunes, ils cultivent poésie et spiritualité

© Nancy Nungurrayi, 153 x 122 cm.
With the courtesy of Papunya Tula Artists.
© Collection privée Brocard-Estrangin
La communauté de Papunya où le mouvement contemporain aborigène démarra en 1971, ne cesse de se ré-inventer avec une fertilité créatrice enthousiasmante. Cette peinture de Nancy Nungurrayi (1935 - ...) s'avère un bon exemple à plus d'un titre.

L'artiste y use de tonalités de couleurs audacieuses autour de jeux de combinaison rouge-rose, jaune-orange, blanc et noir.
Les motifs composés avec beaucoup d'attention et de détails, dans la tradition de Papunya, soulignent des rêves et cérémonies liés à sa terre natale.
La palette de couleurs invite à suivre les "song lines", capte le regard vers ces chemins ancestraux, ici suggérés par les lignes parallèles.

De leur côté, les cercles concentriques renforcent la présence des lieux d'initiation, véritables espaces de rencontre sacrés de la communauté, réservés aux femmes ou aux hommes.
Quelques signes noirs en forme de U, désignent quant à eux, la forme d'un corps accroupi, vu du ciel. Il s'agit de femmes souvent accompagnées d'un bâton pour fouiller le sol à la recherche de racines, et d'un coolamon ou corbeille de bois sculpté pour rassembler la récolte.

Cette peinture offre une vision à la fois spatiale, géographique et intemporelle. Tout s'y rassemble et s'interpénètre. L'espace temps n'est pas le même que le nôtre. Les cartographies non plus.

L'oeuvre cultive ici poésie, nostalgie et spiritualité, sous le regard des dunes et des rochers.

Vous pouvez retrouver des œuvres remarquables des artistes Aborigènes de Papunya Tula ici.

dimanche 16 août 2009

26ème Telstra Award : un gagnant en rupture

Source : 26th TELSTRA AWARD
Museum & Art Gallery of the Northern Territory
Artist : Danie Mellor © - From Rite to Ritual
Mixed media on paper
h 207 x w 154 cm

Dans un précédent billet, j'évoquais ceux qui donnent le "LA" dans l'art aborigène. Ce vendredi 14 août était remis à l'artiste Danie Mellor, le premier prix du 26ème Telstra award pour son oeuvre surprenante du Rite au Rituel, présenté ci-dessus.

Je dois avouer que ce choix me surprend. Nous sommes tellement loin des codes picturaux aborigènes traditionnels. Point de pointillisme. Point d'abstraction. Absence de motifs et codes couleurs liés à la spiritualité des communautés du bush...

Ici c'est différent. Je ne peux pas dire que j'aime ou n'aime pas. Disons que je suis sensible au sens véhiculé et souhaité par l'artiste :

"Du Rite aux Rituels explore la rencontre entre les indigènes et non-indigènes, ou les cultures déjà en place. La scène se déroule à l'intérieur d'une loge franc-maçonnique (une loge bleue), et souligne l'importance des cérémonies secrètes et publiques, en particulier l'initiation dans les deux cultures ; l'oeuvre évoque également le challenge des règles, et les différences dans l'établissement des spiritualités et croyances".

Cependant, ce choix du comité d'expert n'est pas neutre et suscite quelques interrogations :
  • Cherchent-ils à influencer le mouvement artistique aborigène pour le faire entrer dans une autre dimension aux antipodes des codes habituels ?
  • Existe-t-il une volonté d'assimiler plus fortement encore le mouvement aborigène dans un art plus occidental ?
  • Par cette sorte de correspondance ou métaphore entre initiation maçonnique et initiation aborigène, y aurait-il une autre volonté de densifier et crédibiliser dans les yeux occidentaux les rites du bush ?
Il serait intéressant de connaître la volonté du jury. Reste un choix audacieux qui ne manquera pas de faire parler de lui et invite dans d'autres univers picturaux tout un mouvement, au delà même de l'art aborigène urbain.

Dans la catégorie peinture par ailleurs, le prix a été remis à l'artiste Yinarupa Nangala, déjà évoqué ici dans un autre billet.

vendredi 14 août 2009

Un monde aborigène complexe

Travel & ceremonies associated with the rockhole of Mukula,
by the artist Yinarupa Nangala ©. With the courtesy of Papunya Tula Artists. 122 x 122 cm.
© Collection privée Brocard-Estrangin
12h35 aujourd'hui. Je viens de recevoir cette peinture de l'artiste Yinarupa Nangala. Emotion comme toujours surtout après une si longue attente. Si vous vous souvenez, j'avais évoqué cette peinture en Février dernier, autour d'un texte sur "les Aborigènes ont-ils le droit d'entrer dans l'art contemporain ?".

Quelques étapes furent ensuite nécessaires avant de l'appréhender de visu. Découverte, étonnement, enthousiasme, président à cette rencontre. C'est le moment de l'émotion, du premier regard. Puis l'analyse surgit, les jeux de comparaison, la place occupée par une peinture de ce style dans la chronologie du mouvement artistique de Papunya Tula...

Je suis frappé par la qualité de l'éxécution, le niveau d'anticipation, spatial des motifs principaux. Ils soulignent une oeuvre totalement conceptualisée dans l'esprit de l'artiste avant d'être couchée sur la toile de lin.

Dans ce voyage associé au site de Mukula, passé et présent se marrient dans le cycle des cérémonies. Tangible et spiritualité se tutoient dans l'alimentation du corps et de l'esprit. Tradition et modernité s'affichent dans une oeuvre picturale ambitieuse et fidèle.

Au sein d'une même toile, ces différentes dimensions se conjuguent et révèlent toute la complexité du monde aborigène d'aujourd'hui.