mercredi 30 septembre 2009

Résonance des peintres aborigènes autodidactes

© Wakartu Cory Surprise, Jirratu Jila,
Mangkaja arts, 90 x 60 cm
© Collection privée Brocard-Estrangin
Wakartu Cory Surprise (1929) a commencé à peindre au tout début des années 80.
Après une vie de nomade dans le plus simple appareil en plein désert, elle a rejoint différentes stations. Elle y exerça de nombreux petits métiers rudes et éreintants.

Personne n'a formé Wakartu à l'art de la peinture. Cela lui est venu spontanément avec une force et une spontanéité nourrie par la culture de son peuple, les enseignements des anciens, sa connaissance des paysages. Elle a un sens inné des couleurs. Elle les combine dans des à-plats denses et profonds le plus souvent ourlés par des contours en pointillés. Au centre de cette toile se trouve un trou d'eau sacré, souligné par un bleu pur.

Les petits points comme autant d'étapes d'un cycle complexe restent délicats et assez marqués sur cette peinture. A l'inverse ils ont tendance à disparaître dans ses œuvres les plus récentes, dans une sorte de continuum blanc soulignant des couleurs de plus en plus audacieuses.

Le travail de Wakartu Cory Surprise a souvent était comparé ou associé dans des expositions à l'artiste contemporaine Ildiko Kovac.
Une sorte de dialogue fertile s'établit entre les deux peintres, pourtant séparés par plusieurs générations et des cultures opposées.

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lundi 28 septembre 2009

Dans la communauté des lichens, les teintes sont reines.

© Photo de l'auteur du blog
Vallée de l'Ubaye

Certains artistes laissent un support se décomposer. La matière organique s'y transforme, change de couleur. De subtiles moisissures chaotiques s'y invitent et s'épanouissent.

Cette roche est aussi pauvre que Job. Il n'y a presque rien à grignoter au dessus de 3000 mètres d'altitude. L'air devient pur. Les cycles de vie restent très courts.

Et pourtant, d'une sorte de magma jaunâtre et grisé, émerge diverses corolles d'un blanc nacré.
Dans la communauté des lichens, les teintes sont reines.

vendredi 25 septembre 2009

Emergence d'un nouveau talent chez Mangkaja Arts

© Sonia Kurarra. 120 x 120 cm. Mangkaja Arts. Title : River
With courtesy of Gallery Gondwana
Geography of Fitzroy Crossing
© Collection privée Brocard-Estrangin


Contrairement aux tableaux de la communauté de Papunya, je ne dispose pas de beaucoup de documentation sur cette oeuvre de Sonia Kurarra. Il existe bien un titre : River, mais c'est un peu maîgre à mon goût.

J'aime dans l'art aborigène cette idée d'un partage de connaissances. L'échange reste certes limité entre les anciens nomades et les blancs. Il se limite au non sacré, à quelques notions profanes, puis cède la place à l'émotion, au silence, à la contemplation de l'œuvre.
Un autre langage peut naître alors, plus intime, dans un co-transfert vers la toile et inversement.

Ici, nous avons juste une invitation vers la rivière, sans doute bien plus suggérée par la palette de couleurs d'eau, que par les motifs eux-mêmes. En effet ces derniers portent le plus souvent le nom de Pamarr (collines et rocher) sur d'autres peintures de l'artiste. Le titre du tableau tire donc bien sa force des nuances et équilibres de couleurs.

L'univers de la rivière comprend de nombreuses dimensions à la fois spirituelles, alimentaires, fonctionnelles et temporelles. Longtemps dans cette région, l'artiste a vécu simplement de chasse et de cueillette, se nourrissant le plus souvent de tortues, probablement suggérées ici par quelques circonvolutions, comme autant de cernes de croissance de la carapace.

Sonia Kurarra, nous offre ainsi une vision abstraite, inventive et spontanée, avec des pigments "sauvages" souvent liés à la terre. Son style est à part, très différents des autres artistes de Mangkaja Arts et il prend actuellement un nouveau tournant, souligné dans différentes expositions organisées dernièrement en Europe ou en Australie.

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mardi 22 septembre 2009

Sublimation des paysages aborigènes

© Patrick Mung Mung, #26459, Purnululu, Warmun community
Natural ochre & pigment on canvas, 140x100cm
With the courtesy of Short St Gallery
© Collection privée Brocard-Estrangin
Mung Mung... Il existe une sorte de truculence dans cette famille de peintres aborigènes, le plus souvent traduite sur la toile par une vigueur dans la composition, une exaltation des couleurs de la terre, déclinée dans l'usage d'ochres et de résine.

Patrick Mung Mung a pris la suite de son père George grand homme de loi, juste au moment de sa disparition. Comme lui, il fut éleveur de bétail avant de se consacrer à la peinture en 1991.

Il développe dans son travail une conjugaison picturale étroite entre une connaissance profonde de sa terre et la mémoire culturelle de sa famille. Son œuvre garde également un lien très sensible avec les illustres anciens de la communauté de Warmun, comme Rover Thomas.

Le tableau "Purnululu" ci-dessus, reprend un paysage du parc national du même nom, site du patrimoine mondial depuis 2003, au sein du Kimberley, au nord-est de l'Australie occidentale.

La chaîne de montagne Bungle Bungle est ici symbolisée par des cônes finement striés, soulignant les couches contrastées de ce grès sédimenté il y a plus de 20 millions d'années.
Des gorges apparaissent dans la partie haute de la peinture dans un jeux subtile d'à-plats ochres nuancés.

Comment rester insensible à cette pétillance créative aborigène, si diversifiée, si riche en courants artistiques, dans une sorte de sublimation des courants terrestres et spirituels ?

A découvrir : exposition "Ochre, a study in materiality" Short st Gallery

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