dimanche 30 novembre 2008

Désir et attente d'une peinture aborigène : Ronnie Tjampitjinpa de Papunya

C'est au mois de Juillet que j'ai pris la décision d'acheter cette peinture à la communauté de Papunya. Depuis je l'attends. A ce rythme elle aurait pu parcourir la distance à la nage entre l'Australie et l'Europe, ou rester bloqué aux frontières pour des questions de dédouanement souvent bien difficiles.

Au moment où j'écris ces lignes, elle a pris l'avion à Sydney et se trouve balloté d'un hub à l'autre. Dans quelques jours je devrais recevoir cette toile de l'artiste Ronnie Tjampitjinpa.

Internet regorge d'informations sur ce peintre. Je garderai à l'esprit qu'il participa à l'émergence du mouvement contemporain aborigène lancé avec "Papunya Tula arstists" autour des années 1970. Marqué par les couleurs et mythes de la terre de ses ancêtres, il retourna dans la région de Kintore vers 1980. Grand initié et peintre d'exception, il s'attache à véhiculer de façon très épurée, presque essentielle, les "rêves" de sa terre natale. Il inspire aujourd'hui encore de nombreux jeunes artistes, en particulier dans les thèmes autour des cycles Tingari, déjà évoqué ici ou là sur le blog.

Attendre une peinture comme celle-ci attise le désir, construit, étoffe, anticipe l'émotion de la rencontre.
De Juillet à fin Novembre, je devenais acquéreur de deux autres peintures d'importance.
Une de l'artiste Ningura Napurrula, bien représentée au Musée du Quai Branly avec des plafonds peints, évoquée dans un précédent billet.
Une autre du peintre Lindsay Bird, magnifique dans sa complexité et mise en perspective des différentes dimensions du rêve, que j'attends toujours...

Dans l'oeuvre de Ronnie ci-dessus, je fus séduit par la puissance des contrastes, la combinaison des motifs traditionels où chacun offre un écrin à l'autre et la finesse d'exécution de l'ensemble. Une forte présence émerge de cette toile Pintupi.

Aujourd'hui, face à l'attente, je m'interroge sur la patience nécessaire à la constitution d'une collection, même modeste. Dans le même esprit, quel est l'équilibre de son économie, quand il faut bien plus de mois pour acquérir une peinture que de temps pour la réaliser, la trouver, et la sélectionner... Ce soir je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous cette oeuvre, avant même sa réception.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

On est bien d'accord, qu'il n'y a pas que l'acte de creation artistique qui engendre de l'angoisse,l'angoisse existe bel et bien dans l'esprit du collectionneur et de ses choix...
Merci encore de ce partage et bravo pour le choix!
rE

Bertrand a dit…

Bonjour Richard,

Je crois que j'ai eu des moments d'angoisse au tout début, peut-être dans le premier achat d'une peinture, d'une oeuvre d'art.

Il y avait quelque chose d'irrationnel, la crainte de se tromper, l'appréhension du regard des autres...

Puis cela passa. Aujourd'hui j'ai l'impression d'être plus affranchi.

C'est pourquoi je parlais dans ce billet plus d'attente, de désir, de ce décalage dans le temps...

Je me demande d'ailleurs si finalement le véritable enjeux n'est pas dans le premier contact avec l'objet ou la toile. Puis une fois que celle-ci gagne la mémoire du collectionneur, l'accompagne par la pensée... il pourrait presque s'en détacher. Et l'angoisse de s'éloigner en partie.

Bàv,
Bertrand