samedi 15 décembre 2007

Les regards des portes d'Alexandrie

Dans une rue, ces deux portes invitent, accueillent et symbolisent tant de choses... Deux couleurs différentes. L'une bleue. L'autre jaune. Une patine rouge maquille les éraflures du temps au niveau du sol. Les marches sont bancales. Ajustées au fil des années. On peut ressentir l'humidité, la texture des écailles de peinture. Nous pourrions être à Venise, dans une ville qui s'abime... mais nous sommes à Alexandrie en Egypte.

La vie est là. Elle vient de passer par cette porte ouverte. On distingue presque le bruit des enfants et quelques odeurs de cuisine... Il fait sombre dans cette embrasure. C'est peu engageant tout de même. Presque inquiétant. Mais la porte reste ouverte. Un peu comme un challenge. Le démarrage d'une discussion. Une rencontre...

L'autre porte est fermée. Intraversion ou promesse. Richesse de l'intérieur et crainte du passant devant la protection dérisoire d'une serrure. Les marches cassées sont vastes et convergent vers le seuil. Comme un entonnoir, pour largement accueillir.

Sur la gauche apparaissent les volets d'une fenêtre, d'une teinte verte bien franche comme la religion de ses habitants. Le bois de la porte devient progressivement gris, usé par les intempéries et donne une idée de l'âge des habitants.

Je fus tout de suite séduit par ce dessin d'une jeune artiste vivant aux pays des pharaons. Jumelle elle-même, qu'a-t-elle put bien ressentir, ou révéler de façon même inconsciente dans ces deux portes ? Nous n'en saurons rien mais reste le charme de cette petite ruelle qui me parle tant. Et ces deux ouvertures, presque en forme de visage, qui nous adressent un clin d'oeil.

vendredi 14 décembre 2007

Paysage de Guinée dans les années 30

© Collection privée BROCARD II.

Découvrir la Guinée dans les années 30. Observer les habitats traditionnels, les danses rituelles, les vêtements préservés, les masques et sculptures d'un autre siècle... Rencontrer les habitants, échanger autour du commerce des essences d'orangers... Tout cela devait être riche en surprises. Aux frontière de nos mondes...

Cette vue lointaine d'un village, mise en perspective sur cette plaque de verre positive, permet d'appréhender le lieu, l'espace avec l'effet en relief offert par le Vérascope. La composition est équilibrée, les arbres élancés répondent les uns aux autres à travers l'ensemble du paysage. D'autres vues rapprochées de villages en Guinée dans les années 30, étaient déjà présentées ici, et .

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dimanche 9 décembre 2007

Paysages et cérémonies aborigènes des Pintupi, par Bombatu Napangati

© With the courtesy of Papunya Tula Artists, Bombatu Napangardi© Collection privée Brocard-Estrangin

Bien peu d'Aborigènes ont eu l'occasion de prendre l'avion. De s'envoler vers d'autres lieux. De prendre de la hauteur par rapport à leur région. De lire leur paysage avec d'autres points de vue... Et pourtant ils représentent bien souvent la terre "vue du ciel". Une vision abstraite, symbolique, éloignée. Un code de lecture, avec une grammaire visuelle, de leurs plus anciens mythes. Il y a des milliers d'années avant notre ère, avant la technologie, les Aborigènes chantaient déjà ces codes visuels.

Ces capacités d'abstraction étonnent encore aujourd'hui. Elles font de temps en temps penser aux géoglyphes géants du Pérou. A ces peuples capables aux temps les plus anciens, de réaliser ce qui nous semblait impossible à ces époques sans techniques sophistiquées. Des animaux de 100 mètres de long dessinés sur le sol prennent vie dans ces montagnes dans la soustraction ou l'addition. En enlevant des pierres noires ou en disposant différemment celles-ci.

C'est à un autre dialogue que nous invitent ici les aborigènes. Plus intimiste, avec des jeux de motifs sur une petit espace. Sur le sable hier. Sur des toiles ou écorces aujourd'hui. Mais avec des symboles tout aussi abstraits, tout autant observés du ciel, tels ces trous d'eau, ces hommes assis en forme de U, ces traces sur le sol, ces montagnes symbolisées.

Comment ces communautés vivant dans le désert, avec très peu de moyens en sont-elles arrivées à de telles constructions de pensée ? A développer, à élaborer ces visuels ? A faire abstraction de la perspective vue du sol pour adopter celle vue du ciel ? Des passeurs, chamans, grands initiés, en transe, ont-ils eu ces capacités à inventer d'autres représentations ? L'absence de moyens, de techniques, du bruit des objets, a-t-elle conduit leur pensée à se contruire, se développer vers d'autres dimensions ? Cela reste mystérieux mais démontre une réelle complexité développée par ces intellectuels du désert.

Sur ce tableau, j'aime suivre les lignes sinueuses de la toile évoquant les dunes de sable autour du trou dans la roche près de Pilipili, à l'ouest de l'Australie autour de Kiwirrkura. L'ensemble dessine comme la contruction d'un labyrinthe complexe, des sortes de chemins initiatiques...

L'homme est absent de cette toile tout en étant à la fois omniprésent. Bien qu'abstrait le tableau représente un groupe de femme campant sur le lieu afin d'y préparer les cérémonies. Dans ce voyage elles emportent avec elle une large quantité de fruits, comme des petites tomates du bush, suggérées sur la toile par ces multiples petits points.
L'ensemble de l'oeuvre développe ainsi différentes dimensions : un itinéraire, la préparation de cérémonies, une vue spaciale harmonieuse, l'équilibre nourrissier, et les vibrations de l'espace dans ces zones désertiques... Comme un invitation à rentrer dans la toile.

jeudi 6 décembre 2007

Les lueurs de la cérémonie du thé Touareg

Ce soir là dans le Sahara Algérien, il faisait bien froid. Pas plus de 4°c. Le silence régnait après cette longue journée de marche. Seul le feu crépitait. La réserve de bois bien maigre ne permettrait pas d'en profiter longtemps. Aussi la cérémonie autour du thé s'avérait vraiment la bienvenue.

Certains hésitaient à le prendre car l'heure était tardive. Il était pourtant préparé avec soin par nos amis Touaregs. Amer, doux, très sucré... Les gourmands attendaient la dernière tournée.
La scène me semblait magnifique. Un peu comme un moment suspendu dans une vie. Tel ce geste, calme, précis, du filet de thé qui se nourrit de l'air.

Je tentais de prendre une photo sans flash, sans pied, pour garder la lumière de cet instant. Pas simple. Les Touaregs acceptaient volontiers sachant que la faible lumière n'atteindrait pas leur visage d'ailleurs largement cachés. Il est tellement étonnant que ce peuple si fière, si courageux, soit à la fois si timide.

La cérémonie du Thé fait partie de leur tradition. La chaleur de celui-ci, même en plein cagnard aide à transpirer et donc à refroidir le corps quelques temps après. C'est donc un must en plein désert. Cependant le thé n'est probablement pas très ancien dans ces régions. Introduit progressivement par les anglais sur ces terres arides, il aurait tout au plus 150 ou 200 ans.

Je cherchais un appui pour la photo. Par terre, couché sur le sol, accoudé, finalement, je fis une mesure spot sur le coeur du feu pour capter le maximum de lumière et limiter l'effet flou.

mercredi 5 décembre 2007

Mémoire suspendue de l'arbre

Cet arbre est mort. Brûlé, consumé par la foudre. Sa vie n'est plus mais il reste comme suspendu dans le temps. Là. Encore visible. Ancré en terre. Elancé dans ce ciel d'apocalypse.
Je fus saisi, troublé par les messages au delà de l'image. La dimension poétique de la scène et du lieu. Cette présence de l'arbre et son effacement. Cet ancrage du tronc et ce mouvement des nuages. Cette finesse encore visible des branches et le lent pourrissement de la matière.
Les combinaisons de gris invitent à voir au delà de la couleur, dans les nuances complexes de la lumière.

Sur cette crête à 1500 mètres d'altitude, au dessus de la ville de Grasse, il n'y a personne. Il s'agit de la frontière entre deux communes. Cet arbre pourrait symboliser le fil entre vie et mort. Etre témoin d'une conscience ou d'une mémoire suspendue, un temps, pas plus avant d'être oublié.
Ce lieu était aux limites d'une propriété. Il semblait faussement inaccessible pour un enfant. Il se situait au bout de ce que l'on peut voir de la maison, à près de 2h de marche en montée.

C'était il y a 18 ans. Une escapade au détour de révisions en droit. Le Nikon prêté par mon grand-père me permit de saisir l'instant et garder trace des impressions ressenties alors. L'arbre n'existe sans doute plus, reste encore sa mémoire, un temps, juste un temps...

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mardi 4 décembre 2007

Tel un chemin invisible dans ce village de Guinée des années 30


Ils traversent tous en file indienne, comme s'ils suivaient les lignes d'un chemin invisible à travers le village. Il semble il y avoir une certaine logique, une cohérence cachée, un mouvement spontané, tout en contradiction avec la route tracée, perpendiculaire à ce mouvement collectif.

Les huttes très élaborées sur la gauche, montrent le niveau de développement de cette communauté et répondent en écho à cette autre scène de village déjà présentée sur le blog.

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lundi 3 décembre 2007

Les savons de Baghdad

Nous étions en Irak en 1997, entre les deux guerres du Golfe. Il n'y avait pas grand chose dans les magasins. Les marchandises étaient bloquées par l'embargo américain. C'était un temps avant l'Euro. Un oeuf valait à lui seul plus de 10 FRF. Un prix exorbitant.

Les irakiens vivaient tous mal à cette époque, sous l'autorité de Saddam Hussein. Bien que. Ce devait être finalement plus confortable qu'aujourd'hui. Dans les rues l'accueil était très chaleureux. Quelques touristes, jeunes... cela suggérait la fin du malheur. La réouverture vers le monde. Il en fut tout autre.

Quelques produits me marquaient comme cette échoppe à Baghdad, avec des milliers de savons. Tous les mêmes. Bruns, jaunies, verdâtres... Ces savons nouaient le lien avec l'autre cité mythique d'Alep. Sa formule avait été inventée il y a si longtemps. Bien avant les croisades. Des chevaliers belliqueux découvrirent ses propriétés pour se laver, à une époque où l'hygiène était toute relative en Europe. Ils rapportèrent certains exemplaires, apprirent la fabrication et donnèrent naissance au savon de Marseille.
Brassage des cultures, échanges du Moyen-Orient vers l'Europe, cela conduisait à un peu d'humilité. Bien plus tard les flux s'inversèrent...

Cet irakien nous fit découvrir sa marchandise. Il coupa quelques savons. Marrons à l'extérieur, ils étaient vert émeraude à l'intérieur. Gage de qualité. Garantie de la teneur en huile pure de laurier. La plus noble, la plus parfumée dont les vertus dermatologiques sont démontrées.
Je lui en prenais quelques-uns. Cet homme était heureux de nous vendre quelques produits. Qu'est-il devenu aujourd'hui ?

Il n'y avait vraiment rien dans ces magasins. Je cherchais du détergent pour nettoyer les sanitaires d'un monastère où nous résidions quelques jours au nord de Mossul dans le Kurdistan Irakien. Il était impossible d'en trouver tant cela devait être dangeureux... Les crayons à papier n'existaient pas non plus. Les mines de plomb ou de graphite pouvaient contribuer à construire des armes. Cela semblait surréaliste.

Il s'agissait d'une drôle d'époque. D'armes de destruction, on n'en trouva finalement aucune. Mais presque tous justifièrent une guerre qui préside aujourd'hui à l'atomisation du pays.

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Plantes médicinales du Sahara

Nous sommes aux confins du désert. Les médicaments sont rares. Si ce n'est inexistant. Trop onéreux. Non distribués dans ces régions si éloignées. Peu recommandés en l'absence de médecins. Oui, c'est un peu le bout du monde. La persistance d'une autre culture. Celle des guériseurs, des chamans, de cette lecture intime de la terre et de ses ressources.

Sur un marché de campagne au Niger, je croisais un guériseur vendant quelques herbes médicinales. Il ne parlait pas Français, ni anglais. La communication était difficile. A l'aide d'un recipient en verre je lui mimais le nombre de portions d'herbe que je souhaitais. Il prit un de ces petits sacs en plastique qui inonde l'Afrique et commença à les remplir.


Je ne connaissais pas ces plantes. La seule chose qui me guidait était l'odeur. Celle qui apparaissait en froissant les feuilles. C'était un moment assez étonnant. L'occasion de toucher le savoir ancestrale des vieilles femmes du désert. Des récoltes organisées, dans les temps morts, au détour du pâturage des bêtes. Ce petit manège attira un peu l'attention. Quelques personnes se rapprochèrent dont un francophone. Je lui demandais le nom de ces herbes ? Quelles étaient un peu les vertus médicinales de chacune ? Il ne pouvait répondre. Le marchand non plus. C'était le domaine des femmes. De la grand mère des familles.
Il consentit cependant à noter la transcription phonétique de ces végétaux.

"Teyiss", "Tifilkiss", "Tezaragadé", "Mananan"... Ces mots résonnent et racontent l'histoire d'une autre façon de vivre, en harmonie avec la nature.
Ils me rappelaient également ces médecins opportunistes d'aujourd'hui, parcourant la planète à la recherche du savoir des chamans. Sans écoute, sans attention, juste pour capter les substances actives des plantes, breveter, puis marchandiser ce savoir commun de l'humanité, qu'il nous reste à nous, à redécouvrir.