vendredi 5 août 2011

Balgo : un art aborigène témoin au coeur de l'art contemporain

©Nora Wompi, Kunawarritji, 2011. Acrylic on linen, 150 x 100cm
Provenance : Suzanne O'Connell Gallery Australian Indigenous Art
© Collection privée Brocard-Estrangin
Cela faisait déjà quelques années que je suivais de près l'artiste Nora Wompi. Son style s'affirme comme assez différent des autres peintres de la communauté de Balgo.

Il n'existe point de pointillés. Les mouvements de pinceau sont fluides, s'envolent presque comme un voile diaphane. A l'inverse, les nuances épaisses de la matière donnent comme un volume à la composition. On peut y ressentir comme un effet de résonnance amorçé par des circonvolutions subtiles, ourlant les à-plats nacrés.

Une palette sublimant les couleurs de l'outback Aborigène

Sa palette aux couleurs vives et audacieuses offre une vision onirique des paysages de sa terre natale, puissante et fidèle comme celle que peuvent exprimer les artistes ayant vécu selon le rythme et les vérités du nomadisme.

Ce fut le cas de Nora Wompi durant ses vingt premières années. Elle nous offre ainsi un témoignage encore unique de cette civilisation et de la philosophie de ses pères et mères, itinérant du désert autour du site "Well 33" sur le route de "Canning Stock".

A l'âge de 77 ans, une reconnaissance additionnelle et significative survient pour Nora Wompi dont des oeuvres importantes viennent de rentrer à la Galerie Nationale de Victoria.

A contempler ces toiles, la question du lien entre art aborigène et art contemporain, souligné par les talents innovants de ces artistes témoins, ne se pose guère.

mardi 2 août 2011

Lichens centenaires et invention humaine

© Lichen 2011, Alpes de Haute-Provence, 2600 mètres d'altitude

Au royaume de l'infiniment petit, les lichens des roches se distinguent en haute montagne. Leurs conquêtes sur la pierre s'expriment par de subtiles corolles aux teintes nuancées du gris au vert fluorescent.

Aux étages inférieurs, là où les arbres persistent encore, les lichens tissés accélèrent leurs avancées sur les écorces des rares mélèzes. Leur chevelure cendrée fixée aux branches progressent au rythme d'une vie humaine.
Tant que l'arbre échappe aux avalanches, courbé sous le poids de la neige, le lichen lui offre comme un feuillage d'hiver.

A l'inverse des lichens des cîmes, étendu sur une surface plane, le lichen arboricole adopte une structure libre digne des fractales.
Vue de plus loin, ils offrent des compositions douces et harmonieuses qui ne sont pas sans me rappeler les nuances des créations de la communauté aborigène d'Utopia : comme l'artiste Angelina Ngale Pwerle.

Les grands parfumeurs de l'ancienne Russie, comme Henri Brocard, transformaient le lichen de Sibérie en un composé fixatif aux essences presque minérales.
De grands peintres en firent des colorants pour leurs oeuvres.
Des civilisations, inventives en période de disette, l'inventaient de façon broyée en substitut à la levure...

A notre tour, ne pourrions nous pas lever les yeux et observer la croissance millimétrée des lichens ?