samedi 19 janvier 2008

N'oublions pas les Hommes de l'Hadramaout au Yemen

Yemen 2000 : un vieillard au pied des portes de la ville dans l'Hadramaout

Hier les médias annonçaient la mort de deux Belges et deux Yemenites, abattus dans la région de l'Hadramaout, au Yemen. Cet évènement terrible m'évoqua un voyage de plus de 20 jours dans ce pays l'été 2000.
Yemen 2000 : un marchand au turban déclinant la couleur de ces épices,
marché du sud

Ce fut l'occasion de rencontrer un peuple fier, accueillant et terriblement armé avec une moyenne de 3 armes par habitant, protégé également par ses montagnes et hauts plateaux.

Yemen 2000 : un père et un fils en arme,
pioche d'un côté et kalachnikov de l'autre


Lors des mariages retentissent des tirs de kalachnikov, marquant la joie et l'enthousiasme des invités à la noce.

Yemen 2000 : hauts plateaux près de Sanaa

Ce jeune homme est très fier de sa vache, richesse dans cette région montagneuse du pays, où jusqu'à 3000 mètres d'altitude, s'élèvent des terrasses cultivées grandes comme de petits carrés potagers.

Yemen 2000 : marché du sud du pays -
correspondance du blanc des yeux et des goulots des calebasses

Sur ce marché, ils mettent les poules dans ces superbes paniers tressés. Quand je pense à nos cages bien tristes, face au travail minutieux de ces artisans.

Yemen 2000 : tout est tressé,
de la bouche du chameau aux paniers pour les poules


Nous pûmes traverser tout le pays excepté le Yemen du Nord, jouxtant l'Arabie Saoudite. L'accueil fut partout sympathique, accompagné de nos guides, avec toutefois des contrôles, ou "péages" spontanés pour traverser certaines pistes du désert. Les femmes sont vêtues de bourka au Nord et très librement habillées de couleurs chatoyantes au nord.

Yemen 2000 : marché du sud,
étonnante broderies jumelles d'un rouge éclatant nuancées de pourpre


Le contraste entre la culture du sud du pays et celle du nord est frappant. Ici les femmes acceptent volontiers d'être prises en photo. Elles sont visibles, charmantes, enveloppées d'étoffes brodées, ou plus colorées les unes que les autres.

Yemen 2000 : les couleurs chatoyantes ne sont pas sur les étales
mais bien plus sur les visages des femmes


Nous ne sommes pas très loin de l'Afrique. A quelques centaines de kilomètres se trouve l'Ethiopie. On observe une grande influence africaine. Les maisons de pierre du nord ont cédé la place à des cases. Il faut avouer que la température n'est pas la même. 20°c sur les plateaux, et plus de 40°c au bord de l'Océan Indien.

La femme ci-dessous est toute seule face à 4 hommes. Un petit sourire délicat orne son visage. Ils plaisantent ensemble. On peut sentir une grande timidité et un respect mutuel.

Yemen 2000 : marché du sud, sourire, humilité et respect de chacun
dans cette discussion autour d'un achat


Ce pays ne fut jamais conquis dans son histoire. Les villes griment les montagnes, ressemblent à s'y méprendre aux falaises et disparaissent dans les brumes des sommets vers les 3000 mètres d'altitude.

Yemen 2000 : hauts plateaux près de Sanaa, village à 3000 m,
les murs sont sobres, mais une dentelle de chaux illumine la façade


Le village ci-dessous est perdu au plus haut d'une montagne. Il n'existe pas de sources pour l'alimenter en eau. Des citernes sont construites sur la grande place. Des murailles encadrent le lieu. Ils pouvaient ainsi vivre en autarcie plusieurs mois.
Ces villages étaient abandonnés depuis longtemps. Le soutien du Yemen à l'Irak de Saddam, conduisit l'Arabie Saoudite à chasser les Yemenites de son pays. Ils furent des millions à ré-investir les montagnes pour trouver un toit, retrouver un travail et finalement exploiter la terre et redonner vie à ces maisons rares du Moyen-Age.

Yemen 2000 : ville de l'Hadramaout, au pied des falaises

C'est en route vers ces vallées que l'Hadramaout que les touristes Belges furent tués. Dans ces canyons, se nichent des petites villes, protégées par les falaises. Ce sont de petits paradis avec l'eau qui coule en hiver dans un lit de cailloux qui l'été sert de route. De magnifiques demeures existent sur place, contruites par des familles ayant fait fortune dans les pays du Golfe. Ils rénovent ainsi les palais de leurs ancêtres.
Des hôtels étaient en projet lorsque nous sommes passés l'été 2000. Peuvent-ils encore servir aujourd'hui ?


Yemen 2000 : ville de l'Hadramaout,
des palais aux centaines fenêtres se distinguent


Nous avons été assaillis par les moustiques toute la nuit. Des nuées de centaines de bestioles contre lesquelles il était bien difficile de se protéger. La Nivaquine était consommée avec attention par l'ensemble de notre petit groupe. Nous mettions nos visages derrière le tissu des sacs à viande, qui n'offraient finalement qu'une bien misérable protection.

Yemen 2000 : même très jeunes,
ils portent déjà la Jambia avec fierté


Aujourd'hui le monde va mal. De plus en plus. Je me rends compte que tous ces pays visités dans le monde arabe, années après années, sont de moins en moins accessibles. Les hommes, les religions, sont de plus en plus opposés les uns aux autres.

Il n'est plus question de mettre les pieds en Irak. La Mauritanie n'a pas pu protéger il y a quelques semaines quelques touristes. La Palestine et la Bande de Gaza sombrent dans le chaos. Le Niger et toute la région autour d'Agadez n'est plus recommandée, ni accessible. Et voilà le Yemen à son tour qui s'enfonce à nouveau dans l'ombre.

Yemen 2000 :ce vieux marché du haut Moyen-Age est fermé,
se transforme et accueille les bêtes

Que s'est-il passé pour en arriver là ? Quelle responsabilité avons-nous en tant qu'occidentaux ? J'y vois l'échec terrible des politiques étrangères arrogantes, de l'incompréhension d'autres cultures.

Yemen 2000 : les garçons se prêtent volontiers au jeu de la photo
mais écartent les filles qui cachent leurs visages


Je reste circonspect, face aux aux logiques tribales, différentes de nos démocraties mais si éprouvées en tant que système politique plusieurs fois millénaires.
Je ne peux que constater un certain mépris des peuples face à des enjeux économiques injustifiables dans les désastres humains qu'ils entraînent.

Yemen 2000 : les routes sont rares dans le pays,
rien ne vaut les chemins muletiers entretenus depuis des temps immémoriaux


A l'image de l'appel de Jean d'Ormesson que pouvons-nous faire pour changer cela ? En allant plus loin. Mais au delà d'une seule confession ?

Regardez tous ces visages sur ces photos. Il ne s'agit que d'un vieillard, d'adultes et de jeunes enfants au Yemen. Peut-on jeter l'opprobre sur ces populations ? Certes non. Gardons des liens, visitons ces pays, et surtout ne les oublions pas.

Yemen 2000 : un pas de porte à Shibam, véritable Manhattan du désert,
la chèvre attend de jouer avec les enfants


Pour en savoir plus ?
De magnifique photos à découvrir sur le blog de Joël Dousset
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7 commentaires:

Anonyme a dit…

Très bel article! Le Yemen a toujours connu des combats mais il est vrai que depuis 2 ans, la situation se dégrade, comme un peu partout...Merci pour ce très bel article, pour ces populations qui seront victimes demain - y compris de la pauvreté que nous allons agrandir en les désertant - ces hommes et femmes dont nous gardons des souvenirs de moments uniques de gentillesse et de générosité!

Anonyme a dit…

Nous avons pris connaissance de l'article de Jean d'Ormesson, bien écrit mais limité...ton billet plus "oecuménique" ravive de belles réalités, celles aussi de ce vieillard, de ces enfants qui ont souri si gentiment à ton objectif...
bon dimanche

Bertrand a dit…

Bonjour Lucile et Lucien,

Merci pour votre visite. Je viens de mettre en ligne de nouvelles photos du Yemen et de compléter un peu le contenu du texte.
Ce pays est assez extraordinaire, préservé, avec tant de cultures différentes du nord au sud.

Il n'y a pratiquement aucun chrétien dans le pays. A Sanaa, la capitale, l'emplacement occupé par l'église du VIIe siècle n'a toujours pas été reconstruit, gardant le lieu intacte comme sacré...

Je suis convaincu que nous devons continuer à dialoguer, à entretenir les lieux au lieu d'ériger des forteresses.

Anonyme a dit…

C'est un pays dont j'ignore beaucoup de choses, récemment j'étais à une exposition photos d'une française qui avait fait un séjour dans ce pays, j'ai appris à regarder ces paysages et ces villes d'une manière différente, ton article vient compléter le reste...
Beau récit!

Anonyme a dit…

Oui Bertrand nous avons vu que l'article avait été complété après nos commentaires...peut-être y a t-il un passage sur lequel...mais...ton article complété est un beau voyage

Bertrand a dit…

Hello Lucile et Lucien,

C'est vrai que ce passage déjà présent a été un peu accentué. Peut-être un peu trop.
Même si je le pense vraiment.

Mais bon, pour garder une cohérence avec vos commentaires précédents, je viens de l'ajuster et de le pondérer. C'est peut-être plus approprié...

Bonne soirée,
Bertrand

Bertrand a dit…

La position atlantiste de beaucoup de pays vis-à-vis du Moyen-Orient est bien souvent mal vécue, si ce n'est inacceptable.

Je repensais à un billet qui évolue après une première publication. Et sur le fait de marquer ces ajustements ou petits changements. Finalement une bonne pratique observée sur différents blogs consiste à indiquer EDIT entre crochet : puis à insérer le changement.

Cela me semble une bonne approche à mettre en pratique. Plus en phase avec la vie et les évolutions d'un blog. :-)

Bonne journée. Bien amicalement,
Bertrand