lundi 11 février 2013

Décès de Colin Laverty, grand collectionneur d'art Aborigène

C'est avec une grande tristesse que j'apprends comme une trainée de poudre le décès de Colin Laverty, collectionneur d'art aborigène immense, par son regard, son enthousiasme et l'importance et l'ampleur des oeuvres rassemblées avec son épouse depuis plusieurs décennies.

J'avais évoqué sur le blog à différentes reprises leur rôle essentiel dans le développement de ce mouvement d'art contemporain, leur soutien auprès des communautés artistiques et des artistes, le prêt de leurs oeuvres pour différents évènements, comme l'exposition Laverty au Musée d'Art Aborigène d'Utrecht il y a un an.

La rationalisation de leur collection avait conduit ces dernières années à quelques heureuses cessions à des musées (près de 150 tableaux), et prochainement à une vente aux enchères chez Bomhals, en Australie. Ils disposent de plus de 2000 oeuvres.

Will Owen du remarquable blog "Aboriginal Art & culture : an american eye" rend hommage à Colin dans son dernier billet et partage avec nous sa rencontre enthousiasmante avec ce grand personnage.

Le journal "The Australian" évoque également le parcours incomparable de ce pionnier de la médecine, également collectionneur prolifique.

Nos pensées vont vers son épouse Elisabeth dans cette épreuve.

Une de ses paroles, enregistrée pour incarner leur démarche de collectionneur me revient à l'esprit : "dans l'art... ce qui détermine notre choix... sans doute plus une oeuvre qui surprend, interpelle... qu'un tableau qui séduit...".
Leur démarche s'affirme probalement comme une exigence, une sorte de quête, et de curiosité vers une peinture qui parle et évoque au delà du visible ?

Naissance de la communauté Aborigène Mangkaja artistes : un cri talentueux sans inhibition

Art Aborigène : Yata Gypsy Yadda - Mangkaja
Jarriyi, par l'artiste Yata Gypsy YADDA. Communauté Mangkaja artists.
60 x 50 cm. Acrylique sur Velin.
Collection privée Brocard-Estrangin.    

Il existe des expositions manifestes, dans le sens fondateur du mot, car il y a un avant et un après ces évènements.
L'exposition sur Papunya au musée du Quai Branly en est une. Avec des oeuvres du premier big bang de l'art Aborigène contemporain, le socle de ce mouvement d'art a été posé en France. Cela se passait il y a quelques semaines et plus de 200 peintures nous renvoyaient il y a tout juste 40 ans. Une parole picturale si longtemps opprimée, contenue, oubliée, renaissait de ses cendres et invitait son peuple dans un nouveau siècle. Sans cette étincelle créative à Papunya, sans doute la culture Aborigène d'Australie ne serait plus aujourd'hui.
Quel tribut il convient de reconnaître à ces peintres premiers au coeur du bush !

Nous sommes face aux premiers jets, aux premières tentatives picturales des peintres fondateurs de la communauté. Sans formation artistique particulière, sans inhibition, avec fougue, inventivité, ils offrent une vision harmonieuse du monde, le regard d'un peuple en communion avec sa terre, dans les infimes nuances des lumières et saisons.

Sur la toile ci-dessus, composée par l'artiste Yata Gypsy Yadda, les éléments fondamentaux comme l'eau, la terre et le feu se rencontrent, se juxtaposent, s'effacent. On perçoit ce mouvement dans ces grands ensembles, les jeux d'intersection, le mariage des couleurs. Rien n'est figé, on perçoit presque une impression de cycle de vie perpétuel. L'artiste y évoque les grandes pluies, la constitution d'immenses lacs, puis leur assèchement, enfin la survenue du feu et l'évènement tragique de deux hommes nomades traversant cet espace et s'y brûlant il y a fort longtemps.

J'étais profondément attiré, tout de suite, sans hésiter par cette peinture, son caractère primesautier, comme le cri talentueux... d'un nouveau né dans l'art. Il n'enlève rien à la force d'évocation et à cette intuition artistique brute, qui déjà soulignait il y a 20 ans la trame des succès à venir pour Mangkaja artists.