jeudi 7 octobre 2010

Brainstormings créatifs : fertilité et profondeur des peintures aborigènes



"Wayampajarti Jila" by the artist Wakartu Cory Suprise ©
152 x 213 cm.

© Collection privée Brocard-Estrangin


De temps en temps il faut oser établir des passerelles entre différents mondes. Le mois dernier j'ai provoqué la rencontre de ma vie professionnelle avec une passion, l'art aborigène.

Face à des peintures, plus de 150 personnes du nord au sud de l'Europe, se sont penchées sur la question suivante : "quelles initiatives de changement cette peinture vous suggère-t-elle dans le cadre de nos processus financiers ?".

La question assez iconoclaste, complexe avait de quoi désarçonner les participants aux différents brainstormings, d'autant qu'ils ignoraient tout de l'origine des toiles et des artistes.
Les premières réactions ouvraient des pistes intéressantes : équilibre des forces, chemin transversal, processus linéaire, tableau de bord avec système d'alerte, pierre blanche pour trouver son chemin dans les méandres de la finance... De là ils furent invités à aller plus loin, à investir cette première impression pour en tirer un enseignement, des opportunités de changement.

Seize peintures, de Papunya, Utopia, Warmun, ou Bidyadanga amorcèrent les sessions créatives.

L'exercice fut fertile, pluriel. Il offrait également l'occasion d'introduire en quelques mots l'art Aborigène, assez peu connu dans la vieille Europe.

La toile ci-dessus ne fit pas partie du lot. Elle est portant emblématique d'un art en délicat équilibre entre tradition et modernité. Qui d'autre qu'une artiste âgée de 81 ans pouvait ainsi surfer sur cette vague contemporaine en usant de techniques picturales spontanée ? Elle vient d'ailleurs de gagner durant deux années consécutives (2009, 2010) les prix du Western Australian Indigenous Art Award. Une reconnaissance majeure ! Ancienne nomade, Wakartu a connu la vie ancestrale du bush, le respect du territoire et des rites sacrés.

Ses paysages codifiés, réminiscences de ses jeunes années, évoquent dans l'abstraction les contours structurant de leur histoire millénaire.
Différentes dimensions s'y invitent. Trous d'eau, réserves de nourriture, lieux rituels du serpent ancestral Kalpartu, s'entremêlent et s'organisent dans un chaos minéral où chaque espace temps identifié et reconnu reste indispensable à la survie.

L'ensemble s'exprime à travers des couleurs vibrantes suggérant à la fois les peintures rituelles des corps et les contours du paysage. Le lissage à la main des à plats introduit une profondeur et les nuances presque plus contrastées des plis de peau ou des rides du paysage.

2 commentaires:

Detours des Mondes a dit…

Une belle toile !
Expérience osée mais qui devait être passionnante ...
Bien à vous.

Bertrand a dit…

Cette expérience fut en effet très surprenante et rare. Demander à des gens de tous les niveaux y compris VP de se concentrer 40 mn sur une toile d'art aborigène, souligne bien des difficultés du processus d'appréhension de l'art en général et de l'art aborigène en particulier :
- jamais d'indifférence, incrédulité, adhésion ou rejet
- un intérêt renforcé quand le sens était en partie expliqué en fin d'exercice
- une lecture de la toile surprenante lors du brainstorming sachant qu'ils ne connaissaient pas l'appartenance à l'art aborigène ce ces toiles : beaucoup y devinaient des cheminements...

Je dispose de cartes mentales multiples. Il me faudrait peut-être synthétiser tout cela.

Bien à vous,
Bertrand