samedi 1 mars 2014

Du cri de Munch à une symphonie polychrome d'un territoire aborigène

Art Aborigène : Barbara Moore - Tjala
Ngayuku Ngura - My Country de Barbara Mbitjana Moore. 197 x 198 cm.
Communauté de Tjala.
With courtesy of Tjala Arts
Collection privée Brocard-Estrangin

Pour voir dans cette peinture de Barbara Moore, le cri de l'artiste Munch, je me suis demandé ces derniers jours ce que cette amie pouvait bien avoir en tête pour établir une telle correspondance ?
La proximité avec Munch ne m'était pas apparue. De mon côté j'avais été séduit pour d'autres raisons.

Dialogue des cultures

Barbara Moore représente le territoire de ses ancêtres, son pays, les nuances du terrain. Il existe sur la toile des parties perceptibles et d'autres plus profondes suggérées et abstraites.
Munch procéda de même derrière son personnage, avec des mouvements et circonvolutions marquantes, jouant avec les lueurs déclinantes du soir sur le paysage. Il s'exprima ainsi au sujet de son tableau culte "Je me promenais sur un sentier avec deux amis — le soleil se couchait — tout d'un coup le ciel devint rouge sang je m'arrêtais, fatigué, et m'appuyais sur une clôture — il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville — mes amis continuèrent, et j'y restais, tremblant d'anxiété — je sentais un cri infini qui se passait à travers l'univers et qui déchirait la nature."


Dialogue entre cultures

Cette amie en établissant ce lien avec Munch, participait à la construction d'un dialogue entre cultures, entre mouvements d'art, entre la mémoire collective de différents peuples.
J'en reste encore étonné. Mais plus je regarde cette peinture, plus je trouve que ce lien marche et fonctionne vraiment. Certes les mouvements, les teintes, l'époque, le caractère expressionniste diffèrent. Mais il y a quelque chose, dans la perception d'une sorte de langage universel qui dépasse les frontières, et nous rend généreusement inventifs face à l'oeuvre, dans une sorte de perméabilité des civilisations.

Diversité des individualités

Je ne cesse de m'étonner une fois encore face à la diversité des individualités qui apparaissent dans cette culture aborigène plutôt portée sur l'immatériel. Chez Barbara Moore le trait est fort, accentué, gras. Le paysage dans des couleurs de chairs, et de sang se retrouve comme incarné, comme personnifié. Bien que l'homme comme chez Munch ne soit pas visible, il pourrait en revanche être disséminé comme ces ancêtres qui habitent les lieux visibles, les profondeurs du sol.

Cartographie symbolique à travers les nuances

L'idée de ce paysage grandiose qui s'offre à nous à travers les dimensions généreuses de la toile (197 x 198 cm), permet d'entrer dans le territoire. Cette porte ouverte offre une vue symbolique des lieux au delà des signes et symboles traditionnels. Il existe dans cette création une réelle dynamique innovante, une invention. La cartographie symbolique du paysage se réalise non pas à travers une ponctuation réaliste mais dans une déclinaison abstraite des lieux. Les jeux de couleurs, dans une sorte de symphonie arc en ciel délimitent le territoire, en développent une autre vision vibrante et profonde.

2 commentaires:

isabelle terre de rêve a dit…

Tout d'abord surprise par votre parallèle avec Munch, j'ai lu votre article, puis revu la toile, et effectivement il existe une correspondance entre ces deux œuvres, même si je vois plus un passage, un tunnel dans l'œuvre aborigène, mais peut-être un passage entre deux cultures, deux êtres, deux sensibilités qui se rejoignent...

Bertrand a dit…

Bonjour Isabelle,

Je partage également votre analyse.
Je n'aurais pas osé cette convergence, mais cela fonctionne. Un jeu de profondeur s'y distingue... Que de richesses dans ces oeuvres.