© N. Napurrula / musée du quai Branly. " Untitled " (Wirrulnga) ", 2005. Story of travelling women who stop at special sites to give birth, but she has no travel plans herself.
Il y a 10 jours j'apprenais le décès de l'artiste N. Napurrula, de la communauté de Papunya Tula. Je me demande d'ailleurs comment une artiste si importante peut nous quitter dans une telle discrétion. La presse ne s'est pas fait l'écho de cette nouvelle, sans doute dans l'idée de respecter la période de deuil de la famille. Il convient d'ailleurs durant ces quelques semaines de ne pas citer son prénom et d'utiliser uniquement l'initial de celui-ci, comme le fait le site web de sa communauté de Papunya Tula.
N. Napurrula faisait partie de ces rares derniers artistes à avoir vécu dans le désert dans la grande tradition des rythmes et rites des anciens. Sa peinture en tire une grande force avec un ancrage culturel profond, témoignant de la continuité de cette civilisation immatérielle ancestrale.
A l'âge où les jeunes quittent l'université, elle avait rejoint le monde des sédentaires, quittant son désert pour la communauté de Papunya en cours de constitution, avec son mari Yala Yala Gibbs Tjungurrayi.
Elle débuta en peinture, en l'assistant, puis pris son envol en 1996 avec d'autres femmes originaires de Kintore et de sa terre natale Kiwirrkura.
Dés le début, son style fut remarqué et elle participa à de multiples expositions communes avec d'autres artistes. Le galeriste William Mora, grand découvreur de talents, lui offrit l'opportunité de sa première exposition solo en 2000.
Le succès fut au rendez-vous et des évènements de plus en plus marquants s'enchaînèrent.
En 2001, elle fit partie des finalistes du 18ème grand prix Aborigène du Telstra Art Award.
En 2002, la poste Australienne lui dédia le timbre de 1,1 dollar.
En 2005, dans la grande tradition des plafonds peints français, N. Napurrula fit partie du groupe de 8 artistes aborigènes sélectionnés pour illuminer les façades, murs intérieurs et plafonds du Musée du Quai Branly.
Très attachée à sa terre natale, timide, elle décida de ne pas venir pour l'ouverture du Musée, préférant rester auprès des siens.
Elle devint néanmoins une star internationale dont les toiles figurent dans les grandes collections publiques et privées.
Sa santé et sa vue déclinante rendaient ces dernières années ses toiles plus rares. Sous dialyse, elle devait souvent se rendre à Alice Springs. Ses déplacements et l'éloignement de sa terre de Kintore, située à plus de 530 km, étaient un vrai déchirement pour elle, comme ces nuits déracinées à l'hôtel sans ses proches. Heureusement un système de dialyse fut également installé à Kintore, lui permettant de revenir auprès des siens et de continuer à transmettre ses connaissances jusqu'au dernier instant.
J'avais eu l'occasion de la présenter à deux ou trois reprises sur ce site.
Aujourd'hui, plus j'observe ses toiles, plus je me laisse bercer par son langage individuel puissant où les symboles se combinent avec force et délicatesse à la fois. Il ressort de ses peintures une harmonie particulière, dans des jeux de couleurs où président le blanc, le noir et le rouge. La ponctuation fine de points plus nacrés, ourle, cache, et offre un regard feutré sur les évènements mythologiques de ses ancêtres et les cérémonies des femmes Pintupi.
Elle porte et convie dans ses toiles, avec émotion, la mémoire de son peuple. Elle s'y investit dans le partage de connaissance, des parties les plus intimes de sa terre, auprès des plus jeunes de la communauté.
Saluons cette grande dame qui nous quitte et nous laisse à travers ses peintures tant de magnifiques témoignages de sa pensée et de sa culture.
2 commentaires:
Je n'avias pas entendu, Bertrand. Merci. C'est trop triste.
Bien d'accord avec cela Will. Cette discrétion est en effet assez étonnante autour de la disparition de l'artiste.
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