lundi 3 décembre 2007

Les savons de Baghdad

Nous étions en Irak en 1997, entre les deux guerres du Golfe. Il n'y avait pas grand chose dans les magasins. Les marchandises étaient bloquées par l'embargo américain. C'était un temps avant l'Euro. Un oeuf valait à lui seul plus de 10 FRF. Un prix exorbitant.

Les irakiens vivaient tous mal à cette époque, sous l'autorité de Saddam Hussein. Bien que. Ce devait être finalement plus confortable qu'aujourd'hui. Dans les rues l'accueil était très chaleureux. Quelques touristes, jeunes... cela suggérait la fin du malheur. La réouverture vers le monde. Il en fut tout autre.

Quelques produits me marquaient comme cette échoppe à Baghdad, avec des milliers de savons. Tous les mêmes. Bruns, jaunies, verdâtres... Ces savons nouaient le lien avec l'autre cité mythique d'Alep. Sa formule avait été inventée il y a si longtemps. Bien avant les croisades. Des chevaliers belliqueux découvrirent ses propriétés pour se laver, à une époque où l'hygiène était toute relative en Europe. Ils rapportèrent certains exemplaires, apprirent la fabrication et donnèrent naissance au savon de Marseille.
Brassage des cultures, échanges du Moyen-Orient vers l'Europe, cela conduisait à un peu d'humilité. Bien plus tard les flux s'inversèrent...

Cet irakien nous fit découvrir sa marchandise. Il coupa quelques savons. Marrons à l'extérieur, ils étaient vert émeraude à l'intérieur. Gage de qualité. Garantie de la teneur en huile pure de laurier. La plus noble, la plus parfumée dont les vertus dermatologiques sont démontrées.
Je lui en prenais quelques-uns. Cet homme était heureux de nous vendre quelques produits. Qu'est-il devenu aujourd'hui ?

Il n'y avait vraiment rien dans ces magasins. Je cherchais du détergent pour nettoyer les sanitaires d'un monastère où nous résidions quelques jours au nord de Mossul dans le Kurdistan Irakien. Il était impossible d'en trouver tant cela devait être dangeureux... Les crayons à papier n'existaient pas non plus. Les mines de plomb ou de graphite pouvaient contribuer à construire des armes. Cela semblait surréaliste.

Il s'agissait d'une drôle d'époque. D'armes de destruction, on n'en trouva finalement aucune. Mais presque tous justifièrent une guerre qui préside aujourd'hui à l'atomisation du pays.

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