lundi 19 novembre 2007

Pétillance de l'esprit dans le Lonka Aborigène

Lonka Lonka.


La nacre captive le regard. Depuis longtemps elle fascine les hommes. Cet éclair de lumière est comme le regard de l'esprit, la brillance d'un rêve. Le chatoiement des reflets donne vie au motif et invite à discuter avec les vivants.

Un faiseau lumineux rasant, renforce les creux et angles de ce Lonka Lonka aborigène. Le motif prend de la hauteur, gagne en volume, se détacherait presque de son support. Certains signes sont mis en exergue, indiquant au profane comme plusieurs niveaux de lecture.

Je ne peux passer à côté de certaines ressemblances avec les peintures d'Elisabeth Marks Nakamarra, pourtant d'une tout autre région de l'Australie, bien loin de la côte de Kimberley, au coeur du désert. Comme chez l'artiste de Papunya, les échancrures géométriques introduisent des diagonales marquantes au nombre de 4 sur cette nacre. Elles convergent vers le centre et plient la figure telle une feuille de papier fragile.

Rêve d'eau. Réminiscence du déluge. Mythe fondateur du monde. L'abstraction avec laquelle est traitée cette gravure enduite d'ocre et de graisse de kangourou renforce son côté mystérieux.
L'époque de cet objet est difficile à établir. Fut-il gravé très loin de la côte ? L'influence d'un Pintupi du centre explique-t-elle les correspondances avec d'autres communautés aborigène ? Cela sera difficile à éclaircir mais reste un bel objet à la finesse indéniable.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Le motif labyrinthique de ce très beau lonka, si souvent représenté dans le désert, montre que des réseaux d'échange entre tribus existaient (existent)d'un bout à l'autre du continent, un peu à l'image des "dreaming tracks", les pistes du Rêve qui s'étendent parfois sur des centaines voire des milliers de kms, traversant les territoires de différentes tribus.
Merci d'avoir fait écho dans vos liens avec notre prochaine expo à Nice.

Anonyme a dit…

Un pendentif en nacre comme celui-ci constitue un objet exceptionnel dans la culture aborigène où il était utilisé à des fins d'échanges importants - commerciaux, par exemple – entre tribus, mais aussi à l'occasion de cérémonies rituelles célébrant les mythes du Temps du Rêve dont les grands Ancêtres avaient légué le souvenir aux divers clans du pays.

Les pendentifs aborigènes proviennent plus particulièrement de la côte située près de Broome (nord est de l'Australie) et leur existence est antérieure à l'arrivée des Européens. Néanmoins, l'introduction des outils de métal par les occidentaux a permis un développement de cette production de nacres gravées qui connaît son acmé dans les années 1900. A partir des années 1930, le caractère mystérieux de ces objets mais aussi leur beauté chatoyante ont retenu l'attention des amateurs et ceux-ci ont commencé à les collectionner.

Un tel pendentif pouvait aussi bien être porté au cou en guise d'amulette qu'à la ceinture où il servait de cache-sexe. Parfois ces pendentifs sont accompagnés d'une tresse de cheveux destinée à les accrocher ou à les fixer. Ces tresses sont encore utilisées de nos jours lors d'opérations de troc.

Le pendentif est ici décoré de motifs à la fois claniques et religieux, indiquant la tribu à laquelle appartient son possesseur et le rituel dont il est le gardien. Ce second aspect de la décoration est en général resté réservé aux initiés et on ne peut faire que des suppositions quant à sa signification. Les motifs sont constitués de rainures gravées de deux types : soit figuratif soit, comme ici, géométriques - aux lignes tantôt sinueuses tantôt plus anguleuses. Les rainures étaient elles-mêmes peintes de pigments naturels – ocre, charbon : on se servait de graisse animale comme fixateur.

On suppose généralement que les motifs en zig-zag comme ceux qui ornent ce pendentif symbolisent le Tonnerre et la Pluie, entités qui occupent une place importante dans la mythologie aborigène du Kimberley. Elles sont en particulier liées aux esprits-chouettes Wandjina qui président aux tempêtes.

Mais au fur et à mesure de la diffusion de ces pendentifs le long des routes de migration et d'échanges aborigènes, les motifs ont changé de signification et se sont adaptés aux mythologies des tribus qui les recevaient. Ainsi, le dessin labyrinthique du motif peut-il également rappeler les représentations picturales de chemins empruntés au Temps du Rêve par des Grands Ancêtres et en particulier les Hommes-Tingari. Accompagnés de leurs femmes et de leurs apprentis, ceux-ci traversaient le désert australien pour y fonder divers sites sacrés.

très amicalement,

Stéphane Jacob
www.artsdaustralie.com