mercredi 7 avril 2010

Jeunes femmes d'Egypte entre deux mondes

© Photo de l'auteur du Blog
Corniche à Alexandrie. Egypte.

Une corniche tumultueuse, chahutée par les déferlantes de voitures, encombrée des nuisances sonores d'une véritable autoroute urbaine...

La traverser s'avère une gageure. Certains y perdirent la vie. Le piéton y surfe juste entre les voitures en mouvement, habilement, en fonction de la perception relative de la vitesse.
Y passer du côté mer indemne, tient un peu du miracle.

De la rue aux rochers, à quelques mètres de trottoire, s'ouvre une autre réalité, une autre musique offerte par les mouvements du ressac.
L'air y est frais, chasse les nuages de pollution et invite nos regards à l'évasion.

Ces trois femmes voilées rêvent d'ailleurs. J'aime l'apparente contrainte de leurs vêtements, en partie libérés par le vent du large, dans une direction contraire aux ombrages. Au royaume des contrastes, elles oublient la ville intérieure.

Sur cette corniche d'Alexandrie les couples se rassemblent, discrètement. Ils rêvent d'amour, s'y effleurent à peine dans le respect des conventions, dans une sorte de jeu des interdits, main dans la main.

Ce muret agit un peu comme une frontière, vers l'Egypte antique ensevelie à ses pieds, vers un monde neuf moderne à ré-inventer. Ces jeunes femmes restent un instant comme en suspension entre deux dimensions, émouvantes.

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Les lichens, mathusalems du minuscule

© Photo de l'auteur du blog.
Sommet autour de l'Ubaye. 2009

Lorsque l'eau du bouillon primitif s'est retirée, il n'y avait rien. Point de poussière, de sable ou d'humus. La roche restait nue, soumise aux éléments, sollicitée par les infimes particules de vie dans l'air ambiant.

Les lichens apparurent. Seuls végétaux pendant des millions d'années, ils se régalaient des oxydes. A leur rythme, presque immobiles, dans l'infiniment petit ils se livraient des combats impitoyables. Sensiblement, le lichen orange tel un joueur de Go, s'avance sur le terrain du lichen nacré. D'autres jaunes, bleutés, gris, ou marrons vont abandonner le terrain. Ils sont les Mathusalems du minuscule.

En ces temps immémoriaux, l'art s'invitait sans aucun moyen au cœur de la première nature. Les compositions subtiles du lichen offraient encore un écrin à une terre en devenir.

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Alexandrie : la rue sociale s'efface devant l'avenue anonyme

© Photo de l'auteur du blog.
Alexandrie. Egypte. 2007.

Quartier arabe d'Alexandrie. Hier florissant. Aujourd'hui dépassé.

Les maisons typiques du XVIIIe siècle cèdent la place à des immeubles informes, immenses, jamais terminés, instables, sorte de lexique chaotique des cités émergentes.

Une ville efface l'autre, comme si son passé était trop lourd et indigeste.
L'homme s'y lasse des ruelles, aspire à plus d'espace, à l'empilement impersonnel des surfaces. La rue sociale s'efface devant l'avenue anonyme. Le citoyen s'y transforme presque en zombie urbain.

Un instant reste le témoignage d'un mur, d'une palette vive de bleu, vert et jaune. Cela respire encore la gaité d'un intérieur douillé, d'une famille choyée, d'un bâtiment accessible.
Pierre après pierre, les hommes s'affèrent à réduire et détruire. Plus haut sur un balcon, un autre admire le spectacle.
Deux visions du monde s'affrontent. L'une aux prises avec les réalités, dans la transformation. L'autre déjà distante, indifférente à ce qui touche si bas.

Le ventre des villes avale et digère tout. La modernité y vampirise ici le moindre espace.

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mardi 6 avril 2010

Résonances d'un big bang végétal

© Tjurnu by Teresa Nowee. 180 x 150 cm.
Balgo community.
Dans cet infini pointilliste blanc et neutre se dessine petit à petit un paysage.
Les multiples voiles aux teintes diaphanes invitent autant vers le centre sacré du rocher de Tjurnu, qu'ils éloignent dans les résonances d'un big bang végétal.
Buissons de spinifex, grappes de raison, pieds de tomate, arbres du désert conjuguent dans l'abstraction leurs spectres colorés.
Herbier, paysage, carte totémique, résonance spirituel d'un lieu sacré... Les interprétations multiples s'invitent sur cette toile.
Dans ce cheminement créatif, fidèle à l'héritage de ses proches, grands peintres du bush, l'artiste Teresa Nowee (1971) y a inventé une individualité réjouissante.