vendredi 18 juillet 2008

Un rêve masculin d'Utopia : les graines de l'acacia Mulga

Les hommes d'Utopia, ou de Papunya, sont bien moins médiatiques que la communauté des femmes. Et pourtant ils peignent également, si n'est tout autant. Avec des couleurs plus traditionnelles. Noires, ocres, jaunes, elles s'avèrent plus masculines, en mesure de mettre en valeur la partie des rêves appartenant à leur genre.

Fut un temps, j'avais été marqué par les création de l'artiste Dave Ross Pwerle, déjà évoqué sur le blog en différents endroits. Pas toujours très reconnu sur la scène international, peut-être en raison du nombre de ses créations peu nombreuses, cet artiste a une place particulière en France. Il fait partie des expositions permanentes du Musée du Quai Branly. Une de ses œuvres, magistrale, de plusieurs mètres de long fait partie des collection du Musée de Lyon.

L'invitation à construire la collection Brocard-Estrangin, m'incitait à poursuivre les acquisitions. Cette fois-çi, l'achat en cours est probablement à contre-courant des artistes émergents, en vogue, ou très recherchés. Nous quittons la création très récente, pour aller 16 ans en arrière sur les terres d'Utopia. L'oeuvre est extraordinaire de part sa taille (229 x 61 cm), la finesse d'exécution, le niveau très élevé de détails, les effets de perspectives : découverte du rêve des graines de Mulga, réalisé par le grand artiste Lindsay Bird. Ces petits arbustes de la famille de l'acacia, servent de fourrage pour les animaux ainsi que de bois de chauffage dans les zones arides du monde, en Australie, ou en Afrique comme évoqué dans un autre billet du blog, portant sur le Niger : "l'herbe tombe du ciel".

mercredi 2 juillet 2008

Un rêve prend forme sur les chemins de Papunya


© Lorraine Nakamarra with the courtesy of Papunya Tula Artist.135 x 60 cm.
Collection privée, Paris.

Cette oeuvre* sent encore bon la peinture fraîche. Il y a quelques semaines la jeune Lorraine Nakamarra la terminait dans le bush près de la communauté de Papunya Tula.

Je l'imagine face à cette toile brute en lin. Un espace vierge. Une simple palette de couleurs. Juste des motifs traditionnels dans sa tête. L'héritage de ses anciens. La grammaire codée et visuelle du côté féminin d'un rêve, pensé, anticipé, occupant son esprit.

Puis dans un élan, tout à coup, à même le sol, l'artiste se lance, le rêve prend forme, se caractérise, clame sa pérennité à la face du monde, dans une nouvelle évocation picturale.

Pour les aborigènes, l'acte de création, d'invention, de ré-interprétation du rêve est important, essentiel, déterminant lors d'une cérémonie. Puis l'objet porteur de cette puissance symbolique s'efface, s'abime dans le temps, disparait.

Un esprit de la pluie garde toute sa force s'il est toujours dôté de couleurs palpitantes. Les couches d'ocres, de pigments se superposent ainsi sur des millénaires dans différentes grottes, comme témoin d'une mémoire du geste, de l'histoire, d'un rite à préserver dans l'harmonie du monde.

Aujourd'hui j'ai oublié le texte explicatif de cette oeuvre. Sésame souvent indispensable aux non inités pour appréhender le sens d'une peinture aborigène. Je la regarde donc sans interprétation aucune, juste pour ce quelle est. Et je dois avouer que je suis séduit par cette composition, cette fine granulométrie de la touche du pinceau, ces cercles finement ourlés, presque hypnotiques.

Ils alternent, grandissent, se répondent en écho de blancs en rouges. Telle une progression dans une quête individuelle, une découverte d'autres facettes, la diversité d'un groupe ou des étapes d'un chemin initiatique.

Cette peinture parle toute seule. Elle invite le regard à devenir créatif. A participer à cette invention. J'y appréhende la matière plastique, brute, posée sur la toile. J'y avance vers ces autres cultures. Demain je lirai le sens caché. Demain je comprendrai le message. Demain la face intelligible de cette oeuvre lui donnera un supplément d'âme. Quelle richesse que l'art aborigène !